11 juillet 2011

Le risque d'accident majeur est une certitude

(...) "J'ai même fait une thèse sur le plutonium, et je ne me posais aucune question. Tout est très compartimenté au CEA, je faisais mes calculs sur la centrale EDF 3 de Chinon, n'avais aucune idée des risques d'accidents ni du problème des déchets. Je travaillais avec des gens brillants. Et puis j'ai commencé à militer à la CFDT, après 68, et on s'est intéressé aux conditions de travail des travailleurs de la Hague. Je me suis aperçu que, moi, ingénieur dans mon bureau, je ne connaissais rien de leurs conditions de travail, et que les gens de la Hague ne savaient pas ce qu'était un réacteur nucléaire." (...)
Comment expliquez-vous l'inconscience française?
"Par l'arrogance du Corps des ingénieurs des Mines, d'une part, et de la servilité des politiques, de l'autre. Une petite caste technobureaucratique a gouverné les questions énergétiques depuis toujours, puisque ce sont eux qui tenaient les charbonnages, puis le pétrole, et ensuite le nucléaire. Ils ont toujours poussé jusqu'à l'extrême, et imposé aux politiques, la manie mono-énergétique."
Cela vient de notre pouvoir centralisé?
"Complètement! Dans les années 70, un chercheur suédois a écrit une étude sur le fait que le nucléaire marche dans certains pays et pas dans d'autres. Et il en a conclu qu'une structure politico-administrative autoritaire et centralisée avait permis qu'il se développe dans deux pays: l'URSS et la France. Pour de fausses raisons - indépendance énergétique, puissance de la France - , on maintient le lien entre le nucléaire civil et militaire - le CEA a une branche applications militaires, Areva fournit du plutonium à l'armée. Ce complexe militaro-étatico-industriel fait qu'ici on considère madame Merkel comme une folle. Au lieu de se dire que si les allemands font autrement, on pourrait peut-être regarder...Non on décide que les allemands sont des cons. Nos responsables claironnent qu'on a les réacteurs les plus sûrs, que le nucléaire c'est l'avenir, et qu'on va en vendre partout. C'est l'argument qu’on utilise depuis toujours, et on a vendu péniblement neuf réacteurs en cinquante ans, plus les deux qui sont en construction en Chine. Ce n'est pas ce qui était prévu...En dix ans, les Allemands, eux, ont créé près de 400 000 emplois dans les énergies renouvelables."

Entretien avec le Physicien nucléaire Bernard Laponche. Télérama 3205- 15 juin 2011.

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