17 janvier 2008

Réceptacle des ruines


"J'en ai rencontré un. Un des premiers, un des meilleurs. Avant de parler avec lui, avant d'observer son travail, je n'avais rien compris au circuit des déchets. Il s'appelait Franco (...)

Les stakeholders mettent en relation les entreprises avec les clans et gèrent, même de loin, chaque étape du processus d'écoulement des déchets. (...)

Quand il marchait, Franco ne regardait pas les paysages mais pensait à ce qu'il pourrait y enfouir. Comme si la surface du globe était un immense tapis et qu'il s'agissait de chercher près des montagnes, au bord des champs, un coin à soulever pour balayer en dessous tout ce qu'on peut. (...)

Tandis qu'un paysan labourait un champ qu'il venait d'acheter, à la limite entre les deux provinces, le moteur de son tracteur commença à tousser, comme si la terre était plus compacte que d'ordinaire. Soudain il vit apparaître des lambeaux de papier sur les côtés du soc. C'était de l'argent. Des milliers et des milliers de billets de banque, des centaines de milliers. Le paysan bondit de son tracteur et se mit à ramasser frénétiquement tous ces restes de billets, un butin caché là par quelque bandit, fruit de quelque gros braquage. Mais c'étaient simplement des billets déchirés et décolorés, triturés, qui provenaient de la banque d'Italie, des tonnes de ballots de billets utilisés qui n'avaient plus de cours légal. Les symboles de la Lire italienne s'étaient retrouvés sous terre, les restes de la vieille monnaie répandaient leur plomb dans un champ de choux-fleurs."

Gomorra, Roberto Saviano, 2006.


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