7 août 2008

Brasilia sur Seine

Béton, palmiers, nappe ardente qui s'abat sur le sol et irradie tout ce qui bouge...Au loin un clapotis de flots et pas une once de vent...quelques gamins aux voix éraillées par la mue s'envoient des insultes au pied des tours et lancent des regards menaçants aux intrus...Costa Brava? Non, juste un recoin de Pantruche, qui par erreur sans doute ou utopie malfaisante, s'est retrouvé du bon côté du périf', à la faveur de la disparition d'une usine à gaz...Depuis, on nous dit qu'il faut "résidentialiser les tours"...alors il y pousse des palmiers.

5 juillet 2008

Des épis pour la croûte



De l'ombre à la lumière, de la chrysalide au coléoptère, on butine dans tous les coins...Laissez-nous en jachère, juste le temps de dire ouf!... Avant de s'faire bouffer par les vers, il nous reste pas lourd quand on y regarde bien...Alors quoi, deux secondes, juste se faire caresser la couenne par le duvet de la croûte qui supporte le bipède...encore un peu, mais pour combien encore?...en se serrant il y en aura pour tout le monde...Le reste...bavardages.

28 juin 2008

Tourisme de nuit




Le tourism(t)e c'est moche quand on y pense, et pire depuis qu'il s'est fait masse. C'est en short, ça montre ses pieds, ça mitraille de pixels sans vergogne, ça bouffe n'importe quoi n'importe quand, ça exige encore! Que c'est pass'qui y a dans le guide! C'est tellement habitué à en suivre aussi...C'est mimétique, ça s'refile des tuyaux, le bouche à oreille à portée de clics...du coup en hordes ça dévale...Pire, ça veut de l'authentique, de l'original tiens de l'alternatif aussi!...Alors on lui en donne, qu'il en baffre, il a de quoi raquer. Alors on le saigne et il gueule. Pfou...besoin de vacances, moi.

18 juin 2008

A la croisée des tuyaux




Dernier bout de tuyau de cet endroit malégnifique. Une des plus belles ballades de ces parcours frichesques. Les transitions sont toujours difficiles... Alors pause! En attendant de retrouver le fil d'une prochaine série à dérouler. Mais, patience, car pendant les affaires, les affaires contiguës...

Seul dans la foule






"Attendu cependant que, si la grève est la cessation collective et concertée du travail par des salariés en vue d'appuyer des revendications professionnelles et ne peut, en principe, être le fait d'un salarié agissant isolément, dans les entreprises ne comportant qu'un salarié, celui-ci, qui est le seul à même de présenter et de défendre ses revendications professionnelles, peut exercer ce droit constitutionnellement reconnu"

Bon...on cause, on fait sa petite légistique du soir...Allez savoir, si ce serait pas plutôt de la paélontologie normative tout ce bazar là...Alors quoi! On pourrait même pas avoir raison d'avoir tort jusqu'au bout et tout seul! T'nez prenez les Irlandais, par exemple. Ils sont quelques tout de même. Ben, nan! On va pas chômer pour leur expliquer qu'ils se plantent tous autant qu'ils sont...Pas 4 millions (prononcez à la Krazuk) contre un demi milliard et ça vous tiendrait en respect! Faudrait pas déconner! Allez hop! Recommencez moi ça, juste pour se tordre un brin.

11 juin 2008

Balcon vue sur cour


L'autre jour, alors qu'on bullait face à une vitrine d'agence immobilière, à regarder les crèches qu'on pourrait pas banquer, un type monte à l'abordage. Vlà qu'il déblatère, suis dans le métier, marchand de biens...mais pas toujours fait ça...'ttention...ancien militaire...Mon taf, dévitaliser les piaules à grand coup de masse, et foutre à la rue les mauvais payeurs...Quoi, si je r'fourgue? Affirmatif, et pas qu'un peu, et par appartement encore...Le gars s'avise que j'tique un chouïa, il change de braquet, et me fait le couplet sur la loi qui protège ces salauds de locataires...que s'en est dingue...plus il justifiait, plus la pitié transparaissait dans mon regard, pour ce type, qui dans le fond, je m'en suis convaincu, n'aimait pas ce qu'il faisait. Je le poussais un peu et il me parlait de ses gosses. Il s'est trissé comme un péteux, sans dire au revoir. Tant mieux, j'y comptais pas trop.

6 juin 2008

A la verticale des bourgeons




Le temps de changer la bobine de U4...léger détour par chez Riton, dont le bureau surplombe, depuis les cimes de verre en béton, les bourgeons.
Ha!..Silence ça pousse chez Riton, faut dire que c'est le genre de mec qui arrose sec!...Tu commences par la flotte, pi t'enchaînes sur les huiles, pour finir dans les paillettes...Mais parole tu sais rester simple, poli et tout, le genre réservé quasi...Et pourtant tu t'imposes un peu...Que c'est pas des manières non plus! Il s'incruste! Alors comme ça on peut plus ouvrir le robinet ou descendre les poubelles tout en allumant le chauffage avant de prendre le tram, sans que tu nous colles au noix. Allons, Riton, c'est pas des façons.

25 mai 2008

Juridisme depuis les coursives



Coursives, escaliers, chambranles, entrailles, fouillis, embrouilles...ainsi souvent la langue juridique en la matière excelle et fourche autour de la simplicité. Parce que le monde est à cette image sans doute, et quand on assigne aux mots la tâche de trancher, les lettres deviennent des lames. Voilà donc la langue du Juge Européen:

"...les actions collectives visant à assurer la mise en œuvre de la politique menée par ITF, il y a lieu de souligner que, pour autant que cette politique aboutit à empêcher les armateurs d’immatriculer leurs navires dans un État autre que celui dont les propriétaires effectifs de ces navires sont les ressortissants, les restrictions à la liberté d’établissement qui découlent de telles actions ne sauraient être objectivement justifiées..." (CJCE C 485 05 Viking Line /c Seamen's Union et ITF).

Où l'on apprend que la liberté du lieu d'implantation d'une boîte est supérieur aux droits du collaborateur (on dit plus "salarié" c'est trop louche) et qu'au passage s'il prenait aux gueux de revendiquer l'inverse cela ne serait pas objectivement, justifié... Liberté ici et frein par là...Voyez un peu...faut avoir le sens des convenances et de l'objectif...pas perdre de vue l'ordre des choses non plus...Pour le reste prenez un ticket et faites la queue, et n'oubliez pas d'être bien européen juste au cas où on vous le demanderait...

13 mai 2008

Plomberie polonaise


"On est parti dans la vie avec les conseils des parents. Ils n'ont pas tenu devant l'existence. On est tombé dans les salades qu'étaient plus affreuses l'une que l'autre. On est sorti comme on a pu de ces conflagrations funestes, plutôt de traviole, tout crabe baveux, à reculons, pattes en moins. On s'est bien marré quelques fois, faut être juste, même avec la merde, mais toujours en proie d'inquiétudes que les vacheries recommenceraient... Et toujours elles ont recommencé... Rappelons-nous! On parle souvent des illusions qu'elles perdent la jeunesses. On l'a perdue sans illusions la jeunesse!...Encore des histoires!..."

Guignol's band,Louis-Ferdinand Céline 1951.

8 mai 2008

Revolving doors




L'ascension vers les sommet est un parcours tortueux et sinueux...Quelle sera la bonne passerelle? Le bon escalier?
Michael, dans le genre est pas mauvais. Derrière sa bonne trogne, du genre à s'user le futal sur les bancs de messe, histoire de se remettre le compteur de péchés à zéro, avant de reprendre le bizness. Gratte papier pour la Food&Drug Administration (FDA), Michael commence slowly, puis baveux pour King&Spalding il a l'occasion de se déployer l'organe pour défendre Monsanto. Ses talents enfin reconnus en 1991, alors qu'il est bombardé n°2 de la FDA. Quelques réglementations sur les hormones de croissance bovine et les OGM plus tard, Mike pantoufle au ministère de l'agriculture ricain, avant de définitivement taper dans la grosse galette à l'aube de l'an 2000...où il se fait propulser vice président de Monsanto...pour services rendus. Well Done Micky!

30 avril 2008

De la tôle






"Tu t'excites. Piqûre. (...)
La première te fait gueuler, t'envoie au mitard. Dans la seconde, tu te trimballes, insensible. Quand on te libère, tu vas piquer à Orly. Pourtant, là, tu te fais pincer à tous les coups. C'est mathématique, suicidaire. C'est ton inconscient, qui le cherche. Il veut rentrer là dedans. Là où tu perds tes règles, où tu grossis, où tu t'atrophies des sens. Mais où tu es au chaud, quadrillée, infantilisée, où on te file à bouffer. Dehors, il y a la vie. La tienne, elle est dégueulasse. Décider, exister, on ne te l'a jamais enseigné. Tu ne sais pas. Tu ne peux pas. C'est justement pour ça que tu t'es retrouvée en taule. Et pour ça que tu y reviens."

Charlie Hebdo 20 janvier 1977, Sylvie Caster.

26 avril 2008

L'affaire est dans le SAC



"Un mec que la justice oblige aussi, c'est Jean Auboin. Jean Auboin est premier vice-président du tribunal de Paris. On lui doit seize coupures de son et la suppression d'une séquence dans "Le juge Fayard, dit le shériff", le dernier film d'Yves Boisset. Seize coupures du mot "SAC" lâché par ou contre des truands qui se vantent d'en faire partie et la suppression d'une séquence où une petite frappe sort une carte du SAC à de fins d'intimidation. Ceci pour éviter au SAC un préjudice considérable. C'est raté. Pas parce qu'Yves Boisset a remplacé le mot "SAC" par un signal sonore et que la salle se fend la gueule à chaque fois qu'il retentit. Parce que le SAC s'est taillé tout seul une réputation d'organisation de malfrats au service du pouvoir et protégée par le pouvoir. (...)
Si demain, la mafia demande que le mot "mafia" soit sucré de la bande sonore d'un film qui la présente nommément comme une association internationale de grand banditisme, la mafia peut compter sur Jean Baudoin, premier vice-président du tribunal de Paris, pour obtenir satisfaction."

Charlie Hebdo 20 janvier 1977, Papier de Xéxès.

10 avril 2008

Du vert dans les tuyaux...


Grenelle et Pimprenelle sont sur un bateau farci aux OGM... Monsanto "Food, health, hope" et consorts à la barre pour un monde meilleur que les obscurantistes de tout poil veulent couler...Nan mais faut vous le dire comment qu'il y a pas mieux pour éradiquer la faim dans le monde, merde! A les écouter on se trimbalerait encore en Vélot. Faites un peu confiance au scientisme bon sang de bois! Moins de pesticides, plus de bouffe, tout le temps et par tout temps, à pas cher...Aller, fini tes gènes et file au lit!

Made in Uckange



La flamme du grand bazar s'est éteinte, on a soufflé dessus...Bhâ, trop polluant pour chez nous, trop cher, trop moche dans l'horizon...C'était en 1991 qu'on a craché sur la bougie, mais de la ferraille on en bouffe encore, sauf qu'elle vient de plus loin, ptête bien que c'est encore un coup des chinois...N'empêche qu'en bons schyzos de l'ouest démocrates, on reluque pas trop les étiquettes quand il s'agit de remplir son caddie, hein? Bande de faux derches! On mollarde dans la soupe mais faudrait pas faire l'inventaire de nos ptits intérieurs, pass que là, côté "made in" y aurait plus qu'à la jouer profil bas! Déconnez pas avec vot' démocratie, vous y perdriez vot' pouvoir d'achat! Z'êtes bien tous pareils, du beurre et des jeux, et l'argent de la crémière...Patron! La même, sans glace....

3 avril 2008

Les artères jugulèrent








"Alors, des hommes armés de lances d'arrosage aspergent de pétrole les tas d'oranges et ces hommes sont furieux d'avoir à commettre ce crime, et leur colère se tourne contre les gens qui sont venus pour ramasser les oranges.
Un million d'affamés ont besoin de fruits et on arrose de pétrole les montagnes dorées et l'odeur de pourriture envahit la contrée. Les gens s'en viennent armés d'épuisettes pour pêcher les pommes de terre dans la rivière, et les gardes les repoussent. Ils s'amènent dans de vieilles guimbardes pour tâcher de ramasser quelques oranges, mais on les a arrosées de pétrole. Alors, ils restent plantés là et regardent flotter les pommes de terre au fil du courant.
Ils écoutent les hurlements des porcs qu'on saigne dans un fossé et qu'on recouvre de chaux vive, regardent les montagnes d'orange peu à peu se transformer en bouillie fétide, et la consternation se lit dans les regards et la colère commence à luire dans les yeux de ceux qui ont faim. Dans l'âme des gens, des raisins de la colère se gonflent et mûrissent, annonçant les vendanges prochaines."

J. Steinbeck, Les raisins de la colère (1939).

14 mars 2008

Métamorphose verte


"Pourquoi ne pas l'avoir lu, ce livre, puisque vous l'aviez acheté, qui vous aurait peut-être protégé contre tout cela? (...)
Et pourtant, dans ce livre, quel qu'il soit, puisque vous ne l'avez pas ouvert, puisque même maintenant vous n'avez pas la curiosité d'en regarder ni le titre ni l'auteur, dans ce livre qui n'a pas été capable de vous distraire de vous même, de protéger votre décision contre l'érosion de vos souvenirs, cette apparence de décision contre tout ce qui la minait, ce qui la niait, vos illusions, (...)
dans ce livre que vous aviez acheté pour qu'il vous distraie et que vous n'avez pas lu justement parce que pendant ce voyage-ci vous désiriez pour une fois être vous-même en totalité dans votre acte, et que, s'il avait pu vous intéresser suffisamment dans ces circonstances, ç'aurait été qu'il se serait trouvé dans une conformité telle avec votre situation qu'il vous aurait exposé à vous-même votre problème et que par conséquent, bien loin de vous distraire, bien loin de vous protéger contre cette désintégration de votre projet, de vos beaux espoirs, il n'aurait pu que précipiter les choses,
dans lequel il doit bien se trouver quelque part, si peu que ce soit, si faux que ce soit, si mal dit, un homme en difficulté qui voudrait se sauver, qui fait un trajet et qui s'aperçoit que le chemin qu'il a pris ne mène pas là où il croyait, comme s'il était perdu dans un désert, ou une brousse, ou une forêt se refermant en quelque sorte derrière lui sans qu'il arrive même à retrouver quel est le chemin qui l'a conduit là, car les branches et les lianes masquent les traces de son passage, les herbes se sont redressées et le vent sur le sable a effacé les marques de ses pas."

La Modification, Michel Butor, 1957.

6 mars 2008

U4...aux rayons X



Hé dis...c'est quoi la machine? La chose qui te suce la vie, et t'en donne juste assez pour te la laisser et y revenir...Parce que tu reviens bougre de travaillant, c'est un peu comme ta deuxième famille hein? Il y fait chaud! tu t'y sens pas si mal! en groupe!...en grappes!...entre enflés!...entre frères! On se soutient...comme ça, tu es fort...tu participes au mouvement...le mouvement...tout le temps...on sait pas ce qui se passe quand ça s'arrête...ça fait peur...Alors on continue?



27 février 2008

Poussière d'Uckange


"Les rafles se succèdent au cœur de Paris: la dernière portait le joli nom de "salubrité".

A Saint-Denis, soixante clandestins turcs dénoncés par leurs voisins. A Douai, dix basanés menottés de manière musclée en pleine audience. Les tribunaux en vertu d'une loi de 1983, ont acquis le droit de reconduire les indésirés à la frontière séance tenante..."

"(...) photos sépia "l'image de la guerre"-celle de 14-18 s'entend. Quelques légendes (...) : "Les Spahis gardent leurs coutume: chaque jour le metchoui les réunit." (...) "Les Sénégalais et les Soudanais arrivés en France...sont habillés à la française avec la capote du fantassin et la bourguignotte des tranchées!"

Extrait de "ça n'arrive qu'aux autres" de Bernard Thomas, chronique du Canard Enchaîné du 21.9.1983.

19 février 2008

Steel here



Il est des cathédrales qu'on bichonne et qu'on gratouille au coton tige, qu'on enveloppe et qu'on cageole... Et pi d'autres qui sont autant de verrues au yeux de l'engeance bien pensante, qu'on aimerait oublier, foutre par terre, ensevelir avec les mémoires des bougres qui y ont laissé la chair, la santé, le souffle...Place nette, on y ferait un centre commercial, y aurait un drive-in, un multiplex, pi tiens un parc de loisir...Gogoland c'est bon pour les élections, et fait gicler les pépettes! Sans compter que l'ancien proprio est pas chaud pour raquer le ménage, déjà qu'il a fallu se fendre pour le plan...comment déjà...ha ouais, social!
Ben crac! Niet! A l'inventaire, protégé et tout, à coup d'arrêtés, de machins administratifs, tampons et le reste...pouah...pas vraiment modernes...hé, y parait même que la tour Eiffel ne fait pas que des adeptes?

13 février 2008

Purgatoire des folies



"Cent cinquante-six internements abusifs recensés dans le seul hôpital psychiatriques de Tours de 1971 à 1973, qui dit mieux? (...)


"J'ai été admis sans aucun papier officiel", commente aujourd'hui l'ex-fou toujours aussi furieux, "ce fut ma seule chance, sinon j'y serai peut-être encore". (...)


Si vous n'avez pas compris où le gardien psy de la paix sociale veut en venir, voici quelques lignes d'une étude datée de 1913, signée par l'éminent docteur Dide, inventeur des "idéalistes passionnés" : "Les idéalistes de la beauté originale aboutissent souvent à l'anarchie, les idéalistes de la bonté arrivent au sadisme, les idéalistes de la justice, s'ils sont altruistes, fournissent les réformateurs politiques, les régicides, et constituent, au moment des grands mouvements populaires, de véritables calamités sociales." Ils veulent déranger le monde? Donc ils sont dérangés."



Extrait de "ça n'arrive qu'aux autres" de Bernard Thomas, chroniques du Canard Enchaîné du 17.3.1982.

8 février 2008

La vallée des anges




Bling bling 45 minutes d'arrêt...pour autant de blabla ronflant...c'est le temps consacré par l'hyper pour évoquer Grandange, l'usine d'Arcelor rachetée par l'indien dans la ville, et une énième fermeture à la clef. Et vite on passe à autre chose, on remballe les projos et on file...

Et de s'engager à faire "tout son possible", sans ricaner, avec tes caisses vides, tes poules de luxes et tout ton fatras qui scintille le toc...
Mais qui pense-t-il bouffonner?

800 types sur le carreau Wendel...longue série de privatisation des profits pour autant de socialisation des pertes...vieille habitude du comité des forges...

Uckange, Grandange, la vallée des anges...passe. Dédicace pour eux.

2 février 2008

Machine à remonter le temps





"Un recensement effectué en 1886 comptait 1 126 000 immigrés en France, sans parler des saisonniers. Nos compatriotes, en ces temps reculés, étaient racistes. Des ratonnades avaient lieu parfois, à Marseille par exemple. Contre les Italiens, accusés d'être des pouilleux, de violenter les femmes, de voler leur travail aux bons français. L'une à Aigues-Mortes, en 1881, fit trente morts. Une autre fois en 1911 à Paris, toutes les boutiques d'alimentation ritales et juives, donc tenues par des affameurs étrangers, furent pillées. Heureusement, à force de réciter en choeur "Nos ancêtres les Gaulois", tout finit par s'arranger. (...)"


"Pour tenir à leur place ces êtres que les loubards de banlieue nomment en verlan rebeux, les autorités ont créé des ghettos à leur semblance, où il paraissent prospérer, la cité des Flamands à Marseille, Picon ou la Busserine, talus dégoulinants de boue, vagues terrains de rebut où rient des gosses hâves parmi les baraques à lézardes: des lieux où peut s'épanouir la civilisation qu'ils aiment à base de crasse de misère et d'ignorance. Les gardiens de la paix entourent ces bas-fonds de rondes et de contrôles incessants. Afin que ces hères ne risquent pas d'envahir les logements pour vrais français, où ils élèveraient leurs chèvres dans les baignoires, les municipalités établissent des quotas. Pour que les gosses ne cèdent pas à la tentation de s'assimiler, les enseignants les maintiennent dans les classes poubelles. Question boulot, comme on a pris soin de ne leur laisser acquérir aucune spécialisation, ils n'en trouvent pas. Ce qui démontre à quel point ils sont fainéants. (...)"


"Il a eu deux potes tués, Moussa, à la cité des Flamands : Nouari, abattu par un CRS, au cours d'un "contrôle"; Zaïr, 17 ans, tué par un civil qui lui reprochait d'être trop bruyant. Le CRS a été remis en liberté. Le civil ne risque pas grand-chose. Moussa est ingrat. Il a le droit de vote. Encore faut-il y croire."

Extrait de "ça n'arrive qu'aux autres" de Bernard Thomas, chroniques du Canard Enchaîné du 22.4.1981.

28 janvier 2008

Acide Acier




"Et la France? Eh, bien, c'est triste à dire, mais nous n'avons pas été, jusqu'à présent à la pointe du progrès. On s'est contenté d'appliquer les camisoles chimiques, qui déconnectent la tête du corps, voire la lobotomie (...) parmi d'autres douceurs, sur les sujets récalcitrants. Pour le reste on faisait confiance, à juste titre, sans doute, aux bâtons des agents.

Par chance, tout cela va changer. Une firme américaine, la Farall Instruments (Grand Island, Nebraska), se dispose en effet à commercialiser chez nous une série d'appareils du plus haut intérêts. Ils sont prévus, explique le prospectus, pour soigner toutes les perversions, de l'inceste à la toxicomanie, en passant par la boulimie ou l'exhibitionisme. Ou l'inappétence au travail, pourquoi pas? Le principe est simple: une gégène jumelée à une visionneuse. On vous passe une photo de ce qui vous excite et crac! Une décharge électrique. On comprend vite, à ce tarif là.

On peut même se procurer, pour 55 dollars, un appareil de poche innocemment baptisé "take me along" (...) qui permet à chacun de s'autopunir discrètement. Le self-sévice parfait."

Extrait de "ça n'arrive qu'aux autres" de Bernard Thomas, chroniques du Canard Enchaîné du 28.7.1976.





24 janvier 2008

Rouge Rouille



"Obligation de réserve: une ancienne antienne resurgit. Gare au juge qui prétend y échapper. Silence: on tourne la loi. Tel est le fin mot de la justice à la Peyrefitte. Et pour cela, prends les râleurs et tords-leur le cou.
Trois magistrats du tribunal de Briey (...) gratifiés d'un avertissement pour avoir osé critiquer , au cours d'un meeting, le 14 octobre, le projet de loi Peyrefitte. (...)


Cinq élèves de l'Ecole nationale de la magistrature, à leur tour sanctionnés pour avoir eu le front d'écrire qu'ils n'approuvaient pas la mutation d'office dont avait été victime Jean-Pierre M. , hier magistrat à la chancellerie, coupable de syndicalisme. Partout des juges tancés, menacés, punis, rayés des tableaux d'avancement, reculés, recalés, punis, dessaisis de leurs dossiers, réduits à se tourner les pouces quand, dans les cabinets voisins, les bien-pensant croulent sous les affaires signalées-celles où l'on peut rendre de signalés services aux cousins, aux copains, aux coquins. (...)


Pendant ce temps, à grands placards publicitaires, Peyrefitte part à la pêche aux juges sur mesure, ex-officiers, ci-devant commissaires, avocats défroqués, des gens qu'il va tester, noter, étiqueter afin de s'assurer qu'ils lui obéiront sans réserve, ceux-là, en toute sécurité. En toute liberté. "(...)

Extrait de "ça n'arrive qu'aux autres" de Bernard Thomas, chroniques du Canard Enchaîné du 10.12.1980.

17 janvier 2008

Réceptacle des ruines


"J'en ai rencontré un. Un des premiers, un des meilleurs. Avant de parler avec lui, avant d'observer son travail, je n'avais rien compris au circuit des déchets. Il s'appelait Franco (...)

Les stakeholders mettent en relation les entreprises avec les clans et gèrent, même de loin, chaque étape du processus d'écoulement des déchets. (...)

Quand il marchait, Franco ne regardait pas les paysages mais pensait à ce qu'il pourrait y enfouir. Comme si la surface du globe était un immense tapis et qu'il s'agissait de chercher près des montagnes, au bord des champs, un coin à soulever pour balayer en dessous tout ce qu'on peut. (...)

Tandis qu'un paysan labourait un champ qu'il venait d'acheter, à la limite entre les deux provinces, le moteur de son tracteur commença à tousser, comme si la terre était plus compacte que d'ordinaire. Soudain il vit apparaître des lambeaux de papier sur les côtés du soc. C'était de l'argent. Des milliers et des milliers de billets de banque, des centaines de milliers. Le paysan bondit de son tracteur et se mit à ramasser frénétiquement tous ces restes de billets, un butin caché là par quelque bandit, fruit de quelque gros braquage. Mais c'étaient simplement des billets déchirés et décolorés, triturés, qui provenaient de la banque d'Italie, des tonnes de ballots de billets utilisés qui n'avaient plus de cours légal. Les symboles de la Lire italienne s'étaient retrouvés sous terre, les restes de la vieille monnaie répandaient leur plomb dans un champ de choux-fleurs."

Gomorra, Roberto Saviano, 2006.


13 janvier 2008

Panoptique opaque


"Le système a levé en banlieue, telle la pâte à pizza dans une boîte en bois. La municipalité et la région ont cru pouvoir s'opposer à lui en refusant de faire des affaires avec les clans. Mais ça n'a pas suffi. Elles n'ont pas assez prêté attention au phénomène et ont sous estimé le pouvoir des familles, jugeant que c'était l'effet de la dégradation des banlieues, et la Campanie est ainsi la région qui compte le plus de communes mises sous tutelle car infiltrées par la camorra. (...)

Les entreprises appartenant aux clans ont déterminé les plans d'occupation des sols, se sont infiltrés dans les agences sanitaires locales, ont acquis des terrains juste avant qu'ils ne deviennent constructibles, puis fait bâtir des centres commerciaux par des sous-traitants, imposant qu'on respecte les fêtes patronales et qu'on recoure à leurs entreprises de services de cantines scolaires, au nettoyage urbain, des transports au ramassage d'ordures. (...)

Jamais les affaires criminelles n'ont été aussi présentes dans la vie économique d'une région qu'en Campanie au cours des dix dernières années. Contrairement aux groupes mafieux siciliens, les clans de la camorra n'ont pas besoin des hommes politiques, mais ces derniers ont absolument besoin du Système."

Gomorra, Roberto Saviano, 2006.



4 janvier 2008

Voeux de méandres


"Tout le monde finit par être coincé à la retraite, y compris ceux qui sont encore en bonne forme physique. Tout le monde finit par être piégé, à la merci d'une garde malade polonaise. Pourquoi creuver de dépression, pourquoi chercher un travail qui permet tout juste de survivre, pourquoi trimer à mi-temps dans un centre d'appel? Plutôt devenir chef d'entreprise. Un vrai. Capable de faire des affaires avec tout et de gagner de l'argent même avec rien. Ernst Jünger disait que la grandeur est exposée à la tempête: des mots que les parrains, les entrepreneurs de la camorra, pourraient faire leurs. Etre au coeur de l'action, au centre du pouvoir. Tout utiliser comme un simple moyen et n'avoir que soi pour fin."

Gomorra, Roberto Saviano, 2006.



25 novembre 2007

Monstre d'acier


"C’est, sous un certain angle, un immense fantôme. Sous un autre un Moloch, ce dieu des Cananéens que l’on honorait en immolant des enfants que l’on jetait aux flammes. C’est, sous un autre angle, l’apparition de trois géants de charpentes et de tuyaux en haut desquels veillent des sentinelles sur des nacelles dorées, c’est parfois les entrailles de l’étoile de la mort dans la Guerre des étoiles. Tantôt deux énormes tuyaux se coupent dans l’espace comme dans une peinture abstraite et minimaliste à une échelle inconnue. Jeudi soir à Uckange, en Lorraine, le haut-fourneau U4, mis en lumière par le plasticien Claude Lévêque, était un revenant."

Extrait d'un fantôme lorrain, article de Maurice Ulrich, l'Humanité du 22 septembre 2007.



19 novembre 2007

La cathédrale du feu


"Quand le soir tombe sur cette vallée de la Moselle, la silhouette du haut-fourneau U4, à Uckange, se découpe sur le ciel d'une façon assez inquiétante. Ces carcasses métalliques hérissées de tubulures, de cheminées, de passerelles, d'escaliers et de conduites en tous genres, peuvent facilement évoquer un décor pour film noir, voire une fiction fantastique."

Patrimoine industriel, 50 sites en France, éditions du patrimoine 2000.



28 octobre 2007

Bazar en scène




"Que dire de la politique et des grandes affaires internationales? La crise de Berlin, la crise de Cuba, les avions-espions, les navires-espions, le Vietnam, la Corée, les bombes H perdues, les émeutes dans les villes américaines, la famine en Inde, les purges en Chine rouge? Y a-t-il des bons et des mauvais? Des qui mentent et des qui ne mentent pas? Des bons et des mauvais gouvernements? Non, il n'y a rien que des mauvais et des très mauvais gouvernements. Et le grand éclair bleu de chaleur qui nous déchirera une nuit où nous serons en train de baiser, de chier, de lire des bédés ou de coller des images dans un album de chocolat? La mort subite ne date pas d'hier, la mort subite de masse non plus. Nous avons juste affiné le procédé. Des siècles de savoir, de culture et d'expériences, des librairies bien grasses et croulant sous les bouquins; des tableaux qui se vendent des millions; la médecine qui transplante le coeur; impossible de reconnaître un fou d'un homme normal dans les rues, et voilà nos vies entre les pattes d'une bande de crétins. Les bombes ne tomberons peut-être pas; les bombes tomberons peut-être. P'têt ben qu'oui, p'têt ben que non....
Maintenant oubliez-moi, chers lecteurs, je retourne aux putes, aux bourrins et au scotch, pendant qu'il est encore temps. Si j'y risque autant ma peau, il me paraît moins grave de causer sa propre mort que celle des autres, qu'on nous sert enrobée de baratin sur la Liberté, la Démocratie et l'Humanité, et tout un tas de merdes."

Erections, ejaculations, exhibitions and general tales of ordinary madness, Charles Bukowski, 1967.

12 octobre 2007

Left wing down








"Tous les partis de gauche dans les pays industrialisés reposent fondamentalement sur une hypocrisie, car ils affichent de combattre quelque chose dont, en profondeur, ils ne souhaitent pas la destruction. Ils ont des objectifs internationalistes, et en même temps, ils sont bien décidés à maintenir un niveau de vie qui est incompatible avec ces objectifs. Nous vivons tous de l'exploitation des coolies asiatiques, et ceux d'entre nous qui sont "éclairés" soutiennent que ces coolies devraient être libérés; mais notre niveau de vie et donc aussi notre capacité de développement des opinions "éclairées" exigent que le pillage continue.(...) Il serait difficile de river le clou au pacifisme niais des Anglais en moins de mots que dans la phrase: "Vous vous moquez des uniformes qui veillent sur votre sommeil."

The Collected Essays, journalism and letters of George Orwell, London, 1968 cité dans Orwell ou l'horreur de la politique, Simon Leys, 2006 réédition.

21 septembre 2007

Lingua Tertii Imperii


"De 1933 à 1945, Victor Klemperer, professeur juif chassé de l'université de Dresde, tient un journal où il décrit la naissance et le développement d'une langue nouvelle, celle de l'Allemagne national-socialiste. (...)"
"L'effet le plus puissant [de la propagande nazie], ne fut pas produit par des discours isolés, ni par des articles ou des tracts, ni par des affiches ou des drapeaux, il ne fut obtenu par rien de ce qu'on était forcé d'enregistrer par la pensée et la perception. Le nazisme s'insinua dans la chair et le sang du grand nombre à travers des expressions isolées, des tournures, des formes syntaxiques qui s'imposaient à des millions d'exemplaires et qui furent adoptées de façon mécanique et inconsciente."
"(...) le IIIème Reich n'a forgé que très peu de mots, mais il changé la valeur des mots et leur fréquence [...], assujetti la langue à son terrible système, gagné avec la langue son moyen de propagande le plus puissant, le plus public et le plus secret."

La propagande du quotidient Lingua Quintae Respublicae (LQR), Eric Hazan, 2006.

12 septembre 2007

Deus ex machina


"Il faut dire: l'économie de marché, rien ne prouve qu'elle a des défauts, rien ne prouve qu'elle a une défectuosité intrinsèque, puisque tout ce qu'on lui attribue comme défaut et comme effet de sa défectuosité, c'est à l'Etat qu'il faut l'attribuer. Eh bien, faisons l'inverse et demandons à l'économie de marché bien plus que ce que qui lui avait été demandé au XVIIIe siècle, car au XVIIIe siècle on demandait à l'économie de marché, quoi? De dire à l'Etat: à partir de telle limite, quand il s'agira de telle question et à partir des frontières de tel domaine, là tu n'interviendras plus. Ce n'est pas assez disent les ordolibéraux. Puisqu'il s'avère que l'Etat de toute façon est porteur de défetuosités intrinsèques et que rien ne prouve que l'économie de marché en a, des ces défauts, demandons à l'économie de marché d'être en elle-même non pas le principe de limitation de l'Etat, mais le principe de régulation interne de l'Etat de bout en bout de son existence, et de son action. Autrement dit, au lieu d'accepter une liberté de marché définie par l'Etat et maintenue en quelque sorte sous surveillance étatique (...) il faut entièrement retourner la formule et se donner la liberté de marché comme principe organisateur et régulateur de l'Etat, depuis le début de son existence jusqu'à la dernière forme de ses interventions. "

Leçon du 7 février 1979, Naissance de la biopolitique, Cours au Collège de France, Michel Foucault.

"On peut dire jusqu'à un certain point, que la critique économiste que les néolibéraux essaient d'appliquer à la politique gouvernementale, c'est bien là aussi, de filtrer toute action de la puissance publique en termes de contradiction, en terme de défaut de consistance, en termes non-sens. La forme générale du marché devient un instrument, un outil de discrimination dans le débat avec l'administration. Autrement dit, dans le libéralisme classique on demandait au gouvernement de respecter la forme du marché et de laisser faire. Là, on retourne le laissez-faire en un ne-pas-laisser-faire le gouvernement, au nom d'une loi du marché qui va permettre de jauger et d'apprécier chacune des activités. Le laissez-faire se retourne ainsi, et le marché n'est plus le principe d'autolimitation du gouvernement, c'est un principe qu'on retourne contre lui. C'est une sorte de tribunal économique permanent en face du gouvernement. Alors que XIXe siècle avait cherché à établir, en face et contre la démesure gouvernementale, une sorte de juridiction administrative qui permettait de jauger l'action de la puissance publique en termes de droit, on a là une sorte de tribunal économique qui prétend jauger l'action du gouvernement en termes strictement d'économie de marché."

Leçon du 21 mars 1979, Naissance de la biopolitique, Cours au Collège de France, Michel Foucault.


7 septembre 2007

Stratagemma del poliziotto








"- Dottore, on agit comme dans les films américains, ceux où le shérif fait comme ça lui chante, putain, parce que la liggi, la loi, dans ces coins-là, chacun se la bricole. Alors que chez nous, il y a des règles qui...
-Je le sais très bien qu'il y a des règles! Mais tu sais comment elles sont tes règles? Elles sont comme le pull-over de laine que me fit ma tante Cuncittina. (...)
-Le pull-over?
-Oh que oui, monsieur. Quand j'avais une quinzaine d'années, ma tante Cuncittina me fit un pull-over de laine. Mais comme elle ne savait pas tricoter, le pull avait des mailles larges qu'on aurait dit des pertuis, tantôt des mailles trop serrées, et il avait un bras trop court et un autre trop long. Et moi, pour me l'ajuster, je devais d'un côté le tirer, de l'autre le remonter, tantôt le serrer et tantôt l'élargir. Et tu sais pourquoi je pouvais le faire? Parce que le tricot s'y pretait, il était en laine, et pas en fer. Tu m'as compris?
-Parfaitement. Donc, c'est comme ça que pense vosseigneurie?
-C'est comme ça que je pense."

La primera indagine di Montalbano, Andrea Camilleri (2004).

31 août 2007

Requiem des innocents

 
"Les journaux publièrent une belle photographie de la zone. Puis jour après jour, chaque baraque séparément. Puis nos portraits. Puis nos biographies. Puis je ne sais quoi encore...Ils s'en donnaient les baveux! Ils devaient travailler jour et nuit, pour sûr. Il y eut des foules de pétitions signées et contresignées de cent beaux paraphes. Notre cas faisait fureur. La ville épouvantée réclamait en son âme et conscience que l'on fît de nous des errants, des bohémiens, chassés de pays en pays. Crevant de route en route. Chassez la racaille! C'était le mot d'ordre. L'occupation du jour. La ville mettait son courage à dénoncer à plein gosiers l'abcès d'un de nos quartiers. J'ignore à qui nous dûmes de ne pas connaître la chiourme"
(...)
"Les curieux se radinaient par groupes de dix ou quinze. Ca devait les affrioller de venir ainsi se frotter de près aux gouapes. Par groupes compacts ils débarquaient. On ne voyait pas de solitaire. Jamais. En s'isolant trop ils devaient redouter de dérouiller un peu. Ils restaient ensemble. Les uns contre les autres. Impatients de tout voir. Foireux comme pas un. De gras messieurs débitaient des sornettes à de belles putains en manteaux de fourrure. Nous n'avions jamais vu autant de population à la fois. Ca déréglait notre vie, cette cohue incessante et soudaine. Nous étions plus à l'aise. On se trouvait tout désorientés avec ces lopes au milieu de nous, qui péroraient par-ci, par-là, sans arrêt. Ca faisait du boucan supplémentaire. On ne s'y reconnaissait pas, nous autres. Ca foutait tout en l'air. On se demandait ce qui allait résulter de ce grand remue-ménage."

Requiem des innocents, Louis Calaferte (1952).

30 août 2007

Black hole







"-Alors c'est un vilain monde? Selon vous?
-C'est à dire qu'il est sadique, réactionnaire, en plus de tricheur et gogo...il va au faux, naturellement...il aime que le faux!...les étiquettes, les partis, les latitudes y changent rien!...il lui faut son faux, son chromo, en tout, partout!...s'il s'occupe de Van Gogh maintenant, c'est pour sa valeur qu'il a pris et parce que le "dur" baisse! Les écrivains n'est-ce pas, leurs livres prennent pas de "valeur" en vieillissant!...les écrivains je vous le racontais, ont pas réagi devant le cinéma...ils ont fait mine de gens convenables qui devaient pas s'apercevoir...comme si n'est-ce pas dans le salon, une jeune fille avait loufé...ils ont enchaîné, mine de rien, tartiné de plus belle!...ils ont redoublé de "beau style"...de "périodes"...de phrases "bien filées"...selon la même vieille recette qu'ils tenaient des jésuites...amalgamée d'Anatole France, de Voltaire, de René, de Bourget...ils ont seulement ajouté un peu beaucoup de pédérastie...des kilos de ficelles policières pour se rendre "Gidiens-comme-il-faut", "freudiens-comme-il-faut, "indic-comme-il-faut"...mais toujours en "chromos" tout ça!...n'est-ce pas?...que des innovations conformistes!..."engagés" bien sûr! et comment!...et jusqu'au scrotum!...à trois, quatre, cinq, six partis, absolument surprenants!...mais pas un sortant du "chromos", du tonnerre de Dieu Saint-Sulpice!...jamais!...fidèles! "la formule"!
"N'importe qui du lycée vous bâcle un Goncourt en six mois! un bon passé politique, un bon éditeur, et deux, trois grands-mères, un peu partout en Europe, et c'est enlevé!
-Vous rabâchez Monsieur Céline!
-Oh, pas assez! jamais assez!"

Entretiens avec le professeur Y,
Céline (1955).

23 août 2007

Viva l'aspidistra!





(...)
"Car si, durant les jours insouciants de l'été,
Nous avons putassé dans les bosquets d'Astarté,
Repentants à présent que soufflent les vents froids;
Nous nous agenouillons devant notre maître légitime;
Le maître de tout, le dieu Argent,
Qui gouverne en nous et le sang et la main et l'esprit
Qui donne le toit pour protéger du vent,
Et, en donnant, reprend;
Qui épie avec un soin jaloux et vigilant
Nos pensées, nos rêves, nos secrètes tendances,
Qui choisit nos mots et coupes nos vêtements,
Et trace le plan de nos jours;
Qui refroidit notre colère, réprime notre espoir,
Et achète nos vies et paie en babioles,
Qui exige en tribut qu'on manque à sa parole,
Qu'on accepte les insultes, qu'on étouffe les joies; (...)

Keep the Aspidistra Flying, George Orwell (1936).

17 août 2007

Junk funds



"Un nommé Hines, l'a qué'q chose comme trente mille arpents de pêches et de la vigne, une usine de conserves et un pressoir. Toujours est-il qu'il arrêtait pas de parler de ces salauds de rouges. "Ces salauds de rouges, ils mènent le pays à sa perte" qu'il disait; et aussi "faut les foutre dehors, ces cochons de rouges". Et il y avait un jeune gars qui venait juste d'arriver de l'ouest, et qu'était là à écouter et un beau jour il fait: " M'sieur Hines, y a pas longtemps que j'suis là; j'suis pas bien au courant, qu'est-ce que c'est au juste ces salauds de rouges?" Alors Hines lui dit comme ça: "Un rouge, c'est n'importe quel enfant de garce qui demande trente cents de l'heure quand on en paie vingt-cinq!" Alors, voilà le petit gars qui réfléchit un bout, qui se gratte la tête et qui dit: "Mais nom d'un chien, m'sieur Hines, j'suis pas un enfant de garce, mais si c'est ça un rouge, eh ben moi, je veux bien avoir trente cents de l'heure. Tout le monde le veut. Eh bon Dieu alors on est tous des rouges, m'sieur Hines."





Les raisins de la colère, John Steinbeck (1939).

2 août 2007

Persienne lumineuse





Le flot déambule, dans un joyeu désordre estival...oublier un peu la machine...insouciance, décandance contenue, léger, éthéré...Mais....l'oeil noir te guette, et t'attend à la sortie de la ruelle...clac! La récré est déjà terminée. Tu avais presque oublié...Boaf, tu as pigé qu'il te faudrait désormais te contenter des miettes qui tombent de la table. Tu diras merci à la dame, encore!