21 septembre 2007

Lingua Tertii Imperii


"De 1933 à 1945, Victor Klemperer, professeur juif chassé de l'université de Dresde, tient un journal où il décrit la naissance et le développement d'une langue nouvelle, celle de l'Allemagne national-socialiste. (...)"
"L'effet le plus puissant [de la propagande nazie], ne fut pas produit par des discours isolés, ni par des articles ou des tracts, ni par des affiches ou des drapeaux, il ne fut obtenu par rien de ce qu'on était forcé d'enregistrer par la pensée et la perception. Le nazisme s'insinua dans la chair et le sang du grand nombre à travers des expressions isolées, des tournures, des formes syntaxiques qui s'imposaient à des millions d'exemplaires et qui furent adoptées de façon mécanique et inconsciente."
"(...) le IIIème Reich n'a forgé que très peu de mots, mais il changé la valeur des mots et leur fréquence [...], assujetti la langue à son terrible système, gagné avec la langue son moyen de propagande le plus puissant, le plus public et le plus secret."

La propagande du quotidient Lingua Quintae Respublicae (LQR), Eric Hazan, 2006.

12 septembre 2007

Deus ex machina


"Il faut dire: l'économie de marché, rien ne prouve qu'elle a des défauts, rien ne prouve qu'elle a une défectuosité intrinsèque, puisque tout ce qu'on lui attribue comme défaut et comme effet de sa défectuosité, c'est à l'Etat qu'il faut l'attribuer. Eh bien, faisons l'inverse et demandons à l'économie de marché bien plus que ce que qui lui avait été demandé au XVIIIe siècle, car au XVIIIe siècle on demandait à l'économie de marché, quoi? De dire à l'Etat: à partir de telle limite, quand il s'agira de telle question et à partir des frontières de tel domaine, là tu n'interviendras plus. Ce n'est pas assez disent les ordolibéraux. Puisqu'il s'avère que l'Etat de toute façon est porteur de défetuosités intrinsèques et que rien ne prouve que l'économie de marché en a, des ces défauts, demandons à l'économie de marché d'être en elle-même non pas le principe de limitation de l'Etat, mais le principe de régulation interne de l'Etat de bout en bout de son existence, et de son action. Autrement dit, au lieu d'accepter une liberté de marché définie par l'Etat et maintenue en quelque sorte sous surveillance étatique (...) il faut entièrement retourner la formule et se donner la liberté de marché comme principe organisateur et régulateur de l'Etat, depuis le début de son existence jusqu'à la dernière forme de ses interventions. "

Leçon du 7 février 1979, Naissance de la biopolitique, Cours au Collège de France, Michel Foucault.

"On peut dire jusqu'à un certain point, que la critique économiste que les néolibéraux essaient d'appliquer à la politique gouvernementale, c'est bien là aussi, de filtrer toute action de la puissance publique en termes de contradiction, en terme de défaut de consistance, en termes non-sens. La forme générale du marché devient un instrument, un outil de discrimination dans le débat avec l'administration. Autrement dit, dans le libéralisme classique on demandait au gouvernement de respecter la forme du marché et de laisser faire. Là, on retourne le laissez-faire en un ne-pas-laisser-faire le gouvernement, au nom d'une loi du marché qui va permettre de jauger et d'apprécier chacune des activités. Le laissez-faire se retourne ainsi, et le marché n'est plus le principe d'autolimitation du gouvernement, c'est un principe qu'on retourne contre lui. C'est une sorte de tribunal économique permanent en face du gouvernement. Alors que XIXe siècle avait cherché à établir, en face et contre la démesure gouvernementale, une sorte de juridiction administrative qui permettait de jauger l'action de la puissance publique en termes de droit, on a là une sorte de tribunal économique qui prétend jauger l'action du gouvernement en termes strictement d'économie de marché."

Leçon du 21 mars 1979, Naissance de la biopolitique, Cours au Collège de France, Michel Foucault.


7 septembre 2007

Stratagemma del poliziotto








"- Dottore, on agit comme dans les films américains, ceux où le shérif fait comme ça lui chante, putain, parce que la liggi, la loi, dans ces coins-là, chacun se la bricole. Alors que chez nous, il y a des règles qui...
-Je le sais très bien qu'il y a des règles! Mais tu sais comment elles sont tes règles? Elles sont comme le pull-over de laine que me fit ma tante Cuncittina. (...)
-Le pull-over?
-Oh que oui, monsieur. Quand j'avais une quinzaine d'années, ma tante Cuncittina me fit un pull-over de laine. Mais comme elle ne savait pas tricoter, le pull avait des mailles larges qu'on aurait dit des pertuis, tantôt des mailles trop serrées, et il avait un bras trop court et un autre trop long. Et moi, pour me l'ajuster, je devais d'un côté le tirer, de l'autre le remonter, tantôt le serrer et tantôt l'élargir. Et tu sais pourquoi je pouvais le faire? Parce que le tricot s'y pretait, il était en laine, et pas en fer. Tu m'as compris?
-Parfaitement. Donc, c'est comme ça que pense vosseigneurie?
-C'est comme ça que je pense."

La primera indagine di Montalbano, Andrea Camilleri (2004).