19 octobre 2012

Inaliénable et sacrée...propriété!




« Tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » Saluons. Mais l'histoire historique ne saurait se taire sur l'étrange application immédiatement réservée à ce principe, ou à ce dogme, par la Constituante elle-même. Je crains également que l'on n'appelle guère l'attention sur un détail, qui a son prix, dans ces nouvelles Tables de la loi. C'est à la fin, et cela concerne la Propriété. Surgit là un adjectif inédit dans cette acception : la propriété, dit le texte, est inviolable - mais oui, mais bien sûr, entendu ! - et sacrée. Une épithète jusqu'alors réservée aux choses de la religion. Les constituants (nous y reviendrons) sont, en grande majorité, des voltairiens ; autrement dit le contraire de ces niais qui ne savent pas distinguer le concret de l'abstrait. Et quoi de plus concret que l'argent ? C'est donc à l'argent, à la fortune acquise, à la Propriété qu'il convient d'attribuer une qualification suprême bien plutôt qu'aux rêveries et sottises de la superstition."

Henri Guillemin, 1989, Silence aux pauvres!

12 octobre 2012

Silence aux pauvres!



"Un groupe, déjà vigoureux à la Législative, s'est tout de suite reconstitué à la Convention, le groupe des Girondins (encore que trois seulement d'entre eux, mais les meneurs, Vergniaud, Guadet, Gensonné, soient des élus de la Gironde). Lamartine, dans son Histoire des Girondins où ne manquent, certes ni les légèretés, ni les bavures, n'en dira pas moins la vérité sur ce groupe : des gens, écrira-t-il en 1847, « parfaitement résolus à laisser subsister, dans les profondeurs sociales, les pires iniquités » ; ce qu'ils veulent, c'est l'aristocratie de la richesse, de telle sorte que la France, « à la place d'un seul tyran, en ait quelques milliers ». Et Jaurès, plus bref et encore meilleur : les Girondins ? « Une oligarchie de grands bourgeois beaux parleurs et arrogants. » Ils feront tout, en janvier 93, pour sauver la tête du roi, non par souci d'humanité, car il suffit de prêter l'oreille à leurs discours pour constater qu'ils y font grand usage des mots guillotine, échafaud, mais ils en réservent l'emploi à l'intention des anarchistes. L'existence du roi a, pour eux, une valeur mythique ; il demeure, même détrôné, le symbole de l'ordre établi, de la structure ancestrale, et qui doit demeurer immuable, de toute société civilisée. Les Girondins ne voteront la mort du roi que dans cette crainte des faubourgs qui ne cesse de les habiter." 

Henri Guillemin, 1989, Silence aux pauvres!