18 décembre 2012

Retour vers le futur



"Nous avons vu que, par son essence économique, l'impérialisme est le capitalisme monopoliste. Cela seul suffit à définir la place de l'impérialisme dans l'histoire, car le monopole, qui naît sur le terrain et à partir de la libre concurrence, marque la transition du régime capitaliste à un ordre économique et social supérieur. Il faut noter plus spécialement quatre espèces principales de monopoles ou manifestations essentielles du capitalisme monopoliste, caractéristiques de l'époque que nous étudions.

Premièrement, le monopole est né de la concentration de la production, parvenue à un très haut degré de développement. Ce sont les groupements monopolistes de capitalistes, les cartels, les syndicats patronaux, les trusts. Nous avons vu le rôle immense qu'ils jouent dans la vie économique de nos jours. Au début du XXe siècle, ils ont acquis une suprématie totale dans les pays avancés, et si les premiers pas dans la voie de la cartellisation ont d'abord été franchis par les pays ayant des tarifs protectionnistes très élevés (Allemagne, Amérique), ceux-ci n'ont devancé que de peu l'Angleterre qui, avec son système de liberté du commerce, a démontré le même fait fondamental, à savoir que les monopoles sont engendrés par la concentration de la production.

Deuxièmement, les monopoles ont entraîné une mainmise accrue sur les principales sources de matières premières, surtout dans l'industrie fondamentale, et la plus cartellisée, de la société capitaliste : celle de la houille et du fer. Le monopole des principales sources de matières premières a énormément accru le pouvoir du grand capital et aggravé la contradiction entre l'industrie cartellisée et l'industrie non cartellisée.

Troisièmement, le monopole est issu des banques. Autrefois modestes intermédiaires, elles détiennent aujourd'hui le monopole du capital financier. Trois à cinq grosses banques, dans n'importe lequel des pays capitalistes les plus avancés, ont réalisé l'"union personnelle" du capital industriel et du capital bancaire, et concentré entre leurs mains des milliards et des milliards représentant la plus grande partie des capitaux et des revenus en argent de tout le pays. Une oligarchie financière qui enveloppe d'un réseau serré de rapports de dépendance toutes les institutions économiques et politiques sans exception de la société bourgeoise d'aujourd'hui : telle est la manifestation la plus éclatante de ce monopole.

Quatrièmement, le monopole est issu de la politique coloniale. Aux nombreux "anciens" mobiles de la politique coloniale le capital financier a ajouté la lutte pour les sources de matières premières, pour l'exportation des capitaux, pour les "zones d'influence", - c'est-à-dire pour les zones de transactions avantageuses, de concessions, de profits de monopole, etc., - et, enfin, pour le territoire économique en général. Quand, par exemple, les colonies des puissances européennes ne représentaient que la dixième partie de l'Afrique, comme c'était encore le cas en 1876, la politique coloniale pouvait se développer d'une façon non monopoliste, les territoires étant occupés suivant le principe, pourrait-on dire, de la "libre conquête". Mais quand les 9/10 de l'Afrique furent accaparés (vers 1900) et que le monde entier se trouva partagé, alors commença forcément l'ère de la possession monopoliste des colonies et, partant, d'une lutte particulièrement acharnée pour le partage et le repartage du globe."

Lénine, L'impérialisme, stade suprême du capitalisme, 1916.


6 décembre 2012

Requiem pour la vallée des anges


Voilà maintenant 4 ans, ici même, nous déplorions les effets de manches et les coups de mentons d'un empoudré à talonnettes, roulant dans la farine les camarades de Gandranges. On prend les mêmes et on recommence, à Florange? 
Pas tout à fait, car cette fois-ci, c'est le grand retour des socialistes, redresseur productif en tête, les gros mots et tout....nationalisations! Tiens donc! Arrêtez, stop! La tête nous tourne, ivres que nous sommes, serait-ce le grand retour de l'Etat? Déconnez-pas!
La tour de contrôle a eu tôt fait de rappeler à la niche le caniche, parti un peu en roue libre...Ecumée toute cette tourbe, il en ressort la même eau trouble...relents de 1982 d'ailleurs...des promesses non tenues à celles intenables. 
Mais survie industrielle possible ou pas, nationalisation ou expropriation, on s'y perd, preuve qu'on doit manquer de pratique, au fond toujours la même rengaine: A qui profite le crime? Goldman, toujours en coulisse, attend patiemment que le fruit mur lui tombe dans la gueule...Alors aux âmes sensibles, pardonnez moi, mais ces derniers temps j'ai une envie furieuse de citer Lénine.

24 novembre 2012

Régulation 2.0



"Il nous faut montrer maintenant comment la "gestion" exercée par les monopoles capitalistes devient inévitablement, sous le régime général de la production marchande et de la propriété privée, la domination : d'une oligarchie financière. Notons que les représentants de la science bourgeoise allemande - et pas seulement allemande - comme Riesser, Schulze-Gaevernitz, Liefmann, etc., sont tous des apologistes de l'impérialisme et du capital financier. Loin de dévoiler le "mécanisme" de la formation de cette oligarchie, ses procédés, l'ampleur de ses revenus "licites et illicites", ses attaches avec les parlements, etc., etc., ils s'efforcent de les estomper, de les enjoliver. Ces "questions maudites", ils les éludent par des phrases grandiloquentes autant que vagues, par des appels au "sentiment de responsabilité" des directeurs de banques, par l'éloge du "sentiment du devoir" des fonctionnaires prussiens, par l'analyse doctorale des futilités qu'on trouve dans les ridicules projets de loi de "surveillance" et de "réglementation", par des fadaises théoriques comme cette définition "scientifique" saugrenue du professeur Liefmann : "Le commerce est une pratique industrielle visant à réunir les biens, à les conserver et à les mettre à la disposition" (les italiques sont dans l'ouvrage du professeur)... Il en résulte que le commerce a existé chez l'homme primitif qui ne pratiquait pas encore l'échange et qu'il doit subsister dans la société socialiste !"

Lénine, L'impérialisme, stade suprême du capitalisme, 1916.

19 octobre 2012

Inaliénable et sacrée...propriété!




« Tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » Saluons. Mais l'histoire historique ne saurait se taire sur l'étrange application immédiatement réservée à ce principe, ou à ce dogme, par la Constituante elle-même. Je crains également que l'on n'appelle guère l'attention sur un détail, qui a son prix, dans ces nouvelles Tables de la loi. C'est à la fin, et cela concerne la Propriété. Surgit là un adjectif inédit dans cette acception : la propriété, dit le texte, est inviolable - mais oui, mais bien sûr, entendu ! - et sacrée. Une épithète jusqu'alors réservée aux choses de la religion. Les constituants (nous y reviendrons) sont, en grande majorité, des voltairiens ; autrement dit le contraire de ces niais qui ne savent pas distinguer le concret de l'abstrait. Et quoi de plus concret que l'argent ? C'est donc à l'argent, à la fortune acquise, à la Propriété qu'il convient d'attribuer une qualification suprême bien plutôt qu'aux rêveries et sottises de la superstition."

Henri Guillemin, 1989, Silence aux pauvres!

12 octobre 2012

Silence aux pauvres!



"Un groupe, déjà vigoureux à la Législative, s'est tout de suite reconstitué à la Convention, le groupe des Girondins (encore que trois seulement d'entre eux, mais les meneurs, Vergniaud, Guadet, Gensonné, soient des élus de la Gironde). Lamartine, dans son Histoire des Girondins où ne manquent, certes ni les légèretés, ni les bavures, n'en dira pas moins la vérité sur ce groupe : des gens, écrira-t-il en 1847, « parfaitement résolus à laisser subsister, dans les profondeurs sociales, les pires iniquités » ; ce qu'ils veulent, c'est l'aristocratie de la richesse, de telle sorte que la France, « à la place d'un seul tyran, en ait quelques milliers ». Et Jaurès, plus bref et encore meilleur : les Girondins ? « Une oligarchie de grands bourgeois beaux parleurs et arrogants. » Ils feront tout, en janvier 93, pour sauver la tête du roi, non par souci d'humanité, car il suffit de prêter l'oreille à leurs discours pour constater qu'ils y font grand usage des mots guillotine, échafaud, mais ils en réservent l'emploi à l'intention des anarchistes. L'existence du roi a, pour eux, une valeur mythique ; il demeure, même détrôné, le symbole de l'ordre établi, de la structure ancestrale, et qui doit demeurer immuable, de toute société civilisée. Les Girondins ne voteront la mort du roi que dans cette crainte des faubourgs qui ne cesse de les habiter." 

Henri Guillemin, 1989, Silence aux pauvres!

27 septembre 2012

Tolérance zéro



"Seront considérés comme ayant provoqué aux actes de propagande anarchiste, tous les hommes publics, ministres, sénateurs ou députés qui auront trafiqués de leur mandat. Car, on voit trop souvent la politique et la finance, causer dans les coins et trinquer ensembles."

Proposition de loi du député Jean Jaurès à la chambre en 1894, en réponse aux "lois scélérates".

13 septembre 2012

L'affaire énorme de la Banque de France



"Le groupe de banquiers qui a voulu, préparé, obtenu le coup d'Etat (du 18 Brumaire) s'empresse de réaliser l'affaire, l'affaire "énorme" (comme l'écrit très bien Vandal) qui constituait, pour ces faiseurs d'or, le sens même et la raison d'être de l'opération. Le 6 février 1800 a lieu, dans le bureau du Premier Consul, une réunion des "principaux financiers" de la place, et c'est de cette entrevue historique que va sortir cette merveille baptisée "Banque de France". La banque de France! Respect. Tenons-nous bien. Nul n'a le droit de badiner à propos d'une telle, et aussi noble, institution nationale. C'est bien aussi pourquoi je me garderai bien de badiner, et mettrai toute mon attention à bien voir de quoi il retourne." (...)

"La banque en formation, Bonaparte a consenti - consenti n'est pas le mot juste, car Bonaparte était là pour ça; il remplissait le contrat qui lui avait valu son ascension; disons donc plutôt qu'il l'a autorisé - à s'intituler "Banque de France" ( ce qui faisait très "national") afin de donner le change à l'opinion et de faire croire aux français que cet établissement de finance était leur Banque à eux, la Banque au service de la France. Or il s'agissait d'une maison privée, pareille aux autres, mais dotée, par sa grâce, d'une enseigne frauduleuse; il s'agissait d'une association d'affairistes qui, sous la banderole dont l'ornait un gouvernement suscité en secret par eux-mêmes, allaient pouvoir se procurer ainsi des bénéfices sans précédent." (...) 

Nous sommes pourtant en présence d'un comportement bien connu. L'Etatisme, disent les "honnêtes gens", quelle horreur! Il ferait beau voir que l'Etat prétendît se mêler  de nos opérations!   Et, en même temps, appel occulte à l'Etat pour obtenir de lui non seulement appui et couverture, mais son argent. Vieux principe capitaliste de la "nationalisation" des frais; les frais, c'est pour l'Etat, autrement dit: les autres. En revanche individualisation, stricte individualisation des bénéfices. Dans le souci primordial, dit Mollien (Trésorier de Bonaparte), qu'avait le Consul de "n'ôter aux banques aucune de leurs sources de profits",  Bonaparte ira plus loin encore; il va conférer à la Banque dite de "France", "pure association d'intérêts privés", énergiquement et hargneusement privés, le droit exclusif d'émettre du papier-monnaie; c'est à dire, observe Mollien, le partage "d'une des prérogatives du gouvernement, celle de créer une monnaie", avec cette différence entre l'Etat et la banque que " la monnaie métallique frappée par l'Etat lui coûte tout de même le prix de l'argent et de l'or", tandis que le privilège inouï accordé par Bonaparte à la maison Perregaux et Cie est de "fabriquer une monnaie qui ne lui coûtait rien"

Henri Guillemin, 1969, Napoléon tel quel, Ed. de Trévise, pages 85, 86, 90, 91. 



5 septembre 2012

Un pays bien organisé


"Le coup d'Etat du 18 Brumaire revêt sa signification précise et authentique lorsqu'on envisage ce qui s'est passé depuis 1789 et que l'évènement prend la place qui lui revient dans la suite des choses. Au cours du XVIIIe siècle, une classe nouvelle s'est constituée, au sommet de la roture; la classe des affairistes, grands commerçants, manufacturiers, banquiers; c'est la richesse mobilière. La richesse immobilière (aristocratie, clergé) tient tout, grâce au roi; c'est elle qui, pratiquement, gère l'Etat; et elle s'exempte d'impôts. (...) 
Et la ruse de Sieyès sera de baptiser "la nation" cette frange suprême du Tiers-Etat. Succès complet, grâce à la menace de la banqueroute et grâce surtout, au reste du Tiers-Etat, les pauvres, les travailleurs (98% du fameux "Tiers"), mobilisés, dans la rue, contre la Bastille, par les grands notables pour leur assurer l'accès au gouvernement. Mais ces exécutants plébéiens devront retourner dans leurs tanières dès qu'ils auront accompli ce pour quoi on les a, un instant, autorisés à en sortir. On les désarme en un tournemain. On établit, pour leur surveillance, une milice bourgeoise travestie en "garde nationale"; on les exclu du droit de vote; ils seront (autre trouvailles de Sieyès) les "citoyens (sic) passifs"; leur rôle est de nourrir en silence, ceux qui vivent de leur travail et en extraient leur propre opulence. Les Constituants sont des voltairiens, et Voltaire a donné la formule du pays bien organisé: c'est celui, a-t-il énoncé, où "le petit nombre fait travailler le grand nombre, est nourri par lui, et le gouverne". Les Constituants ont poussé la prudence jusqu'à interdire aux travailleurs, sous peine de prison, tout "coalition" pour la défense de leurs salaires. Car les Constituants ont, avant tout, le culte de "la liberté", et la liberté des employeurs serait contrainte si les prolétaires prétendaient s'unir."

Henri Guillemin, 1969, Napoléon tel quel, Ed. de Trévise, pages 68-69.

25 août 2012

EuropAAA


"Cette Europe, il est horrible de penser qu'une imprudence, une fatuité, une provocation imbécile ou la convoitise d'un groupe bancaire, puisse déchaîner un conflit soudain. C'est d'une coterie infime, qu'il dépend en fait de déclencher l'impensable."

Jean Jaurès, L'humanité, 1910.


Le jour viendra....



"Nous sommes là en présence d'une politique qui s'est dissimulée sous le masque de la technique militaire en lui empruntant des arguments de circonstance et cette politique est celle que nous suggérait l'Allemagne. On pensait jusqu'ici que le maréchal Pétain en appuyant l'ouvrage du général Chauvineau s'était borné à soutenir des sottises et qu'il se rendait complice d'une simple erreur militaire. Nous ne songeons pas à contester ici la médiocrité du Maréchal mais il importe de se rendre compte qu'elle ne l'a pas empêché de se mettre au service d'une manoeuvre politique destinée à aider l'ennemi et de se rendre ainsi coupable d'une véritable trahison.
Le jour viendra en effet et peut-être bientôt où il sera possible de faire la lumière sur les intrigues menées chez nous de 1933 à 1939 en faveur de l'Axe Rome-Berlin pour lui livrer la domination de l'Europe en détruisant nos alliances et nos amitiés. Les responsabilités des militaires français ne peuvent se séparer sur ce point de celles des politiciens comme Laval, des journalistes comme Brinon, des hommes d'affaires comme ceux du Creusot, des hommes de main comme les agitateurs du 6 février, mais si elles ne sont pas les seules elles n'en apparaissent que comme plus dangereuses et plus coupables pour s'être laissé entraîner dans ce vaste ensemble. Dans l'instruction du procès de la vaste entreprise de trahison, le livre du général Chauvineau constitue dès aujourd'hui un document de tout premier ordre."

A propos d'un livre trop peu connu, texte de Marc Bloch, publié le 6 avril 1944 dans la revue Les Cahiers politiques, annexé à L'étrange défaite.


1 août 2012

La guerre qui vient


"En dépit des apparences démocratiques, en France, le peuple ne contrôle pas ses gouvernements. Un groupe étroit s'est emparé des conseils d'administration des grandes sociétés financières. Ces quelques hommes tiennent entre leurs mains, les banques, les mines, les chemins de fer, les compagnies de navigation, bref tout l'outillage économique de la France. Sans oublier, la sidérurgie et les fabriques d'armes, d'où sortent de croissants profits. Ils dominent le parlement et ont à leur solde la grande presse. La guerre ne leur fait pas peur et ils la considéreraient même avec intérêts. Nos banques ont gardé le souvenir des bénéfices énormes réalisés par elles en 1871."
Francis Delaisi, économistes français, dans La guerre qui vient, 1911.

Cité par H. Guillemin, le 20 mai 1972 dans sa conférence intitulée "La guerre se prépare".



27 juillet 2012

Poste restante



"Cher tonton,

Nous passons d'excellents congés et il fait très beau, ici, à Belval-plage. 
Nous plongeons depuis les cheminées dans les bassins de refroidissement. La rouille laisse sur notre peau un liseré roux et luisant.
Demain nous irons à la pêche aux métaux rares afin de les vendre sur le marché, les voisins de camping disent qu'on en tire un bon prix.
Maman m'avertit qu'ils n'auraient pas fait leurs rappels tétaniques.
Au coucher du soleil les cheminées forment des lignes brisées, on dirait des courbes de taux.
J'espère que vous avez beau temps et le moral aussi un peu, à Gandrange.

Affectueusement,

Ton neveu,

Kevin Mittal"




10 juillet 2012

Janus & Fibrociment


L'excellent "Planète sans visa" signale un papier de la Stampa. Petite traduction maison, ici même.


"Schmidheiny, condamné à 16, ans de prison pour avoir fait des milliers de victimes, sera présent à Rio.

ALBERTO GAINO

"Nous nous tournons vers les Nations Unies, vers les autorités internationales, les chefs d'Etats et de gouvernements, vers le président du Brésil Dilma Rousseff, afin qu'ils déclarent Schmidheiny persona non grata à la conférence de Rio+20, organisée par l'ONU sur le développement durable qui se déroulera à Rio du 20 au 22 juin".

Cet appel de l'Abrea, l'association brésilienne des victimes de l'amiante (victimes aussi de l'Eternit locale, contrôlée jusqu'en 1998 par Schmidheiny) circule sur le net. En Italie la pétition a été signée par l'association des familles des victimes de Casale Monferrato et par de nombreuses autres, des syndicats, des scientifiques notamment par l'épidémiologiste Benedetto Terracini. Ils s'étonnent de devoir rappeler aux Nations Unies rien moins que  "Schmidheiny fut condamné pour avoir causé une catastrophe écologique et que pour cela il devrait lui être interdit la participation à une réunion aussi importante que celle qui préparera et discutera de la protection du futur de la planète.

La singularité de la situation correspond à celle de la figure d'un soixantenaire, Stephan Schmidheiny, parfait dans le rôle d'un Janus des temps modernes. C'est ainsi qu'il est décrit par les auteurs de l'appel au secrétaire de l'ONU Ban Ki-Moon: "Schmidheiny est un des fondateurs du conseil mondial pour le développement durable. C'est aussi un bienfaiteur, le philanthrope qui a créé la Fondation Avina pour soutenir les projets environnementaux et sociaux en Amérique Latine."

Mais il est aussi l'ancien propriétaire d'Eternit, la multinationale productrice de fibro-ciment, qui, 13 février dernier, a été condamné par le tribunal de Turin (Italie) à 16 ans de prisons pour avoir provoqué- indiquent les membres de l'Abea pour bien souligner l'information apparue de manière floue sur wikipédia et internet - un désastre environnemental douloureux et permanent par omission aux règles de sécurité. Si des mesures avaient été prises, elles auraient permis de protéger la vie des travailleurs et de la population locale des risques de mort découlant de l'exposition à l'amiante. Ce minéral cancérigène, selon l'organisation mondiale de la santé, est responsable de pas moins de 107 000 morts par an. 

Apparemment, ce personnage, que la revue américaine Forbes a définit comme le Bill Gates Suisse, a vécu une double vie. A 25 ans, il hérite d'une des deux poules aux oeufs d'or qui a immensément enrichit sa famille: l'Eternit. A son frère, Thomas, en revanche, reviendra le mastodonte du ciment, Holcim. Stephan fera dire aux hagiographes et aux avocats, qu'il aurait cherché à développer la petite production manufacturière d'Eternit grâce à d'importants investissements et à l'apport de nouvelles technologies, tout en minimisant les risques. Mais en 1972, quand le contrôle de l'actionnariat de la sociétés passe de mains belges aux siennes, il ne met absolument pas au rencard la "crocidolite" (l'amiante bleue, la plus dangereuse) qui dans les entreprises italiennes de Casale Monferrato et Bagnoli, continuera à être utilisée jusqu'à la fermeture des sites, 15 ans plus tard. En 1992, c'est l'année du retournement: en Italie on met finalement un terme à l'usage de l'amiante, et à Rio, pour le premier sommet de la terre consacré à l'environnement, Stephan Schmidheiny se présente comme le héros du développement durable.

Il rassemble alors des dizaines de grands industriels sur ses convictions et il est reconnu comme le producteur des montres Swatch et un des principaux associés du géant bancaire UBS. L'Eternit est un monde à part, "évaporé" ou presque, investi dans les projets de reforestation, de soutient aux cultures vivrières, à la philanthropie tiers moniste. Les brevets et multiples prix font de lui un gourou de l'environnement, il apparaît aux côtés de Clinton dans le rôle de conseiller, débarque au Vatican et à l'ONU pour soutenir l'économie verte. En Europe il serre les mains des puissants parmi lesquels le commissaire européen Romano Prodi.

C'est alors que lui tombe sur la tête la tuile du procès de Turin, attendu et craint à tel point, qu'il fera espionner le juge Raffaelle Guariniello et dépensera des millions dans sa stratégie de greenwashing. Fernanda Giannesi, petit et pourtant irréductible inspecteur du travail brésilien, le poursuivra sans relâche pour démontrer son habileté dans la dissimulation et la désinformation. A ce jour, Schmidheiny préfère verser une compensation aux victimes d'Eternit (en échange du retrait de leurs plaintes) plutôt que de devoir verser des dommages et intérêts fixés par la justice."




24 juin 2012

Le Pute hâtif



La toute fraîche et frétillante ministre des droits de femmes vient d'annoncer, claquant du talon, l'ambition de voir la "prostitution disparaître". 
C'est au moins du niveau du "zéro SDF en 2012" lancé par Sarko en 2007... pue la méconnaissance crasse d'un sujet dont on ferait une belle annonce creuse, démagogique...
Car la question mal branlée comme cela risque fort d'apporter une bien mauvaise réponse.
On se soucie de l'exploitation humaine, tout nappé qu'on est de sa belle- pensance....Mmmm?
Alors bien sûr commençons par dépénaliser, d'abord, puis ensuite aller là où le bon sens et non la morale de bénitier social démocrate, devrait tout naturellement guider quiconque se penche sincèrement sur le sujet: legalize it.
Réouverture des boxons! Mixtes? Certains couples légitimes s'y croiseraient....Braouf!
Et là oui on pourrait contrôler, conseiller, accompagner etc. 
Bref, voilà le plus sûr moyen, TVA à la clé, catégorie prestation de service, de faire reculer les mafias qui mènent la danse et exploitent ces dames. 
Mais passer de la connerie répressive inappliquée au slogan aux atours féministes petits bouts de la lorgnette...plus sur moyen de racoler ça oui! Pour le reste....
A voir sur le sujet, l'excellent "Les travailleu(r)ses du sexe" de Jean-Michel Carré.

15 juin 2012

Belval-usines


Poursuite de nos pérégrinations frichesques. Je vous propose une belle et revigorante série estivale à Belval, charmante commune luxembourgeoise. Il s'agit du deuxième haut-fourneau auquel Fricherie_s consacre une série, après le n°6 d'Uckange.  

Passé l'arrêt des usines en 1997, a été entrepris un vaste chantier de reconversion du quartier, dans lequel, il a été (heureusement) décidé de conserver une trace du passé industriel des lieux. Je n'ai pu me faire une idée du résultat final, le reportage ayant été réalisé en cours de travaux. Ici un cliché de 2005, à cet endroit une gare futuriste a été depuis érigée, afin de desservir le quartier comprenant, université, centre commercial etc...

Bonne visite.



6 juin 2012

Flamby & les robots




A bien des égards l'extraordinaire emprise de la finance sur l'économie, les Etats et au final nos vies est fascinante..."La finance" déjà le terme lui même, lieu de vide désignant tout et personne de particulier à la fois, a cela de démiurge, de métaphysique presque...

Fascinant le bazar l'est assurément tant il concentre de force et de violence symbolique...et d'un autre côté de futilité de fragilité...pensez qu'un bon bug dans quelques serveurs bancaires bien choisis et pfuit! Plus rien, l'an zéro boursier...

Mais il est une caractéristique du bousin financier mondial assez largement ignorée ou méconnue. La plupart des opérations sur les marchés financiers sont en effet déshumanisées. Remballez vos mouchoirs...je veux dire par là que ce sont des robots qui passent les ordres en fonctions de paramètres dictés par des algorithmes. Le mouvement d'automatisation a débuté dans les années 90 sur certains métiers d'animation de marché (générer de la liquidité pour laisser croire au dynamisme et attirer les investisseurs, bref faire de l'achat-revente à vide) puis a irradié l'ensemble des compartiments, ramenant au rang de folklore la négociation à la criée et un peu fadasse l'intervention humaine. Désormais le merdier se dope à l'algotrading ou au "THF" pour trading haute fréquence...

Bref, une finance tarée, jouant la faillite des Etats et des peuples dans un casino mondial...mais qui se révèle être essentiellement contrôlée par des robots...un vrai scénario de SF...et on a encore rien vu!


5 mai 2012

Et voilà le (vrai) travail!





"Au nom d'une soi -disant "justice sociale" et du primat de l'intérêt national, Vichy interdit les grèves et les lock-outs, puis dissout les centrales syndicales, "formations de combat" qui "usurpaient les fonctions justiciaires de l'Etat faible" (Pétain). En fait, si la disparition de la CGT et de la CFTC est effective, celle de la CGPF est illusoire puisque la loi du 16 août 1940 crée les Comités d'organisation dominés par le patronat.
Chargés du recensement des entreprises et de leurs moyens de production, ces Comités consolident la prépondérance des plus importantes entreprises, alors que le gouvernement vitupère le grand capital. Quant à la charte du travail (loi du 16 octobre 1941), elle a pour objet de remplacer la lutte des classes par la collaboration des ouvriers et de la bourgeoisie qui, "prenant conscience de leur intérêt commun de citoyens dans une nation désormais unie" (Pétain), doivent se concerter au sein de comités locaux, dans lesquels les travailleurs sont en réalité minoritaires et tenus de se conformer à une stricte discipline. La charte établit également un syndicalisme officiel, obligatoire, sans aucune fonction politique. "

L'extrême droite en France, de Maurras à le Pen, Ariane Chebel d'Appollonia, page 230.


3 mai 2012

Politique Gyroscopique


Pfouit!...évaporés les mirages du premier tour de table...Un peu grisés, comme à chaque fois on se prend au jeu...à la manière de l'effet de ces griffes de foires qui saisissent d'un bout de métal un amas de breloques...on y croit...ça bringuebale...et tout le fatras s'étale avant de sortir...on est bon pour recloquer 2 euros dans le bouzin. 

Las! Pourtant nous le savons, mais c'est plus fort que nous, en faisant tourner la roue on se dit que cette fois peut être...La démocratie bourgeoise est un tirage de loto. On se réveille la gueule de bois dans un paddock inconnu et la blonde à côté pue la France de 40.

Alors on consulte, on ausculte, ça diagnostique, coloscopique, prise de pouls...Les spécialistes cathodiques, éditocratiques, nous ressortent une lampée de réchauffé, se pincent le groin...Le bipartisme au mieux ignore d'une suprême esquive, au pire caracole en parodique pantin grotesque. 

Mais le Pen perdu, la voie d'eau est ouverte! béante! colonne sèche puante! titanic! titanesque! Alors faites jouer l'orchestre! Mais nous ne sommes pas immortels! En attendant le grand soir, veuillez, s'il vous plait, changer l'eau de notre bocal...Boutons le nain! Comme on tire une chasse! Le restant, n'est qu'une question de temps, car rares sont les gyroscopes qui dévient.


27 mars 2012

Régurgitation ou reflux oesophagien?


Faille temporelle...effraction cathodique!...Un septennat entier à mouliner du chiffre sur l'insécurité couleur Maghreb, à échauffer la poulaille la plus extrême, à ficher le moindre crachat, 35 réformes du code procédure pénale les plus liberticides, le casier du pays qui s'allonge à la CEDH....pour ça!...Mais que ne lui tombions au travers de la gueule! Pour lui signifier sa nullité crasse! Qu'il choisisse son île pour son exil perpétuel...c'est encore clément. Au lieu de ça la valetaille continue son cinoche, et tel un De Funès de la politique il donne encore le tempo. Mais le disque est rayé...on régurgite la même purée depuis le papy d'Orléans...

Un pandore me disait un jour, et pourtant ils ont pas la lumière à tous les étages les chaussettes à clous, que ce qu'il appréciait particulièrement dans son métier c'était de pouvoir connaître "sa population". Pas de fiches à n'en plus finir, non, mais leur serrer les pinces à défaut de leur passer. 
A ce jour, si les forces de police en général, et certaines en particulier, s'étaient vu assigner pour tâche de connaître leur population, il y a des chances pour que rien ne soit arrivé. Mais depuis que sondages et police servent les mêmes intérêts....



18 mars 2012

Money laundering



"Le phénomène mafieux en France est perçu simplement comme quelque chose d'extérieur, qui n'envahit pas trop le pays et en sort très vite. Mais en fait ce n'est pas du tout le cas, la France est un carrefour fondamental du narcotrafic, les polices le savent très bien, et je ne peux pas imaginer que l'Etat ne s'intéresse pas à la quantité d'argent qui circule en France. (...) Pour que quelque chose se passe en France, il faudrait qu'un juge soit tué. Par exemple, le juge Falcone, qui a été assassiné et dont je parle dans mon livre, disait que pour que l'on commence à combattre la Mafia, il faut qu'il y ait des morts symboliques. Il n'y en a pas eu en France ces dernières années."


Roberto Saviano, interview donnée aux Inrocks, mars 2012.


Et oui, caro Roberto, la seule mort symbolique mais bien réelle dans cette affaire, c'est la justice indépendante de toute pression financière ou politique. Car s'intéresser judiciairement à la criminalité organisée suppose de devoir mettre en place des outils de recherches indépendants et fiables, qui inéluctablement mettrons au jour le financement de la politique spectacle et l'enrichissement personnel. Et de cela, aucun parti de gouvernement ne veut, outre le fait que l'argent, d'où qu'il vienne, n'a pas d'odeur pour un banquier. Quant à l'Europe sous sa forme actuelle, la seule politique commune dont elle se dote en la matière, se nomme austère et dogmatique libre circulation du flouze.




21 février 2012

Justice OK, partis KO


"Justice OK, partis KO


Deux nouvelles, en apparence que séparent des années lumières, ont dominé la journée d'hier: le parti démocratique continue à perdre toutes les élections, même celles qu'il organise en son sein; et la décision de la Cour d'assise de Turin qui condamne à 16 ans les deux principaux dirigeants d'Eternit pour mise en danger délibéré de la vie d'autrui et manquement à la prévention des accidents du travail: une décision historique, tant par la nature des délits que par le nombre des parties civiles (6392) et le montant des peines. Mais qu'ont en comment ces deux informations? En apparence rien. Mais à y regarder d'un peu plus près, en réalité beaucoup.

La politique des vieux partis traditionnels écope d'un énième échec, tandis que la justice, après 20 ans d'attaques, de lois anti-procès et anti-juges, trouve encore en elle la force d'un coup de reins qui redore  l'image italienne dans le monde. En effet seule l'Italie semble en situation de pouvoir juger et condamner les puissants: les considérations politiques, diplomatiques, ou économiques ne peuvent entraver le cours d'une justice égale pour tous. Ceci est possible en Italie, grâce à la constitution, unique en son genre, elle est la garantie de l'égalité devant la loi des citoyens, de l'autonomie et de l'indépendance du pourvoir judiciaire: et pourtant ce pouvoir politique délabré, fossilisé et putréfié, tente depuis 20 ans de l'anéantir.


La condamnation des deux criminels d'Eternit doit son existence qu'à la ténacité d'un procureur, Raffaele Guariniello, depuis toujours vilipendé, attaqué, désarmé, pour le seul fait d'avoir sans relâche défendu les faibles des délits des puissants. En 1971 il ose profaner le sanctuaire de la FIAT il y découvrira la honte du fichage de la firme, il traînera ensuite sur le banc des accusés les pétroliers, les argentiers du football, ThyssenKrupp et tant d'autres qui bafouaient le droit, la santé et la sécurité des travailleurs (...) 

Une telle enquête aurait-elle pu voir le jour, nous réjouirions-nous de cette décision aujourd'hui, si la scélérate loi Pini sur la responsabilité civile des magistrats, approuvée par la ligue, le parti de la liberté et 50 francs-tireurs de centre gauche, avait été en vigueur? Si les magistrats avait su qu'une multinationale puissante comme Eternit, possédant des ramifications à travers le monde, avait pu les attaquer personnellement leur demandant des millions de dommages et intérêts pour le seul fait d'avoir osé faire leur travail sur les causes des milliers de morts dus à l'amiante, auraient-ils enquêté? La réponse est claire, alors en Italie aussi se serait répétée la honte française, suisse, brésilienne, chinoise et indienne, où des milliers de travailleurs meurent de l'amiante qu'ils ont respiré dans les maisons Eternit, sans que personne n'en réponde devant un tribunal; ceci parce que la justice est contrôlée par le politique et ce dernier sait bien qui le finance.

Aujourd'hui ces partis politiques qui ne se dissimulent même plus derrière les oripeaux des techniciens, qui perdent leurs propres primaires (...) qui se laissent voler par leurs propres membres, n'existent que par les talk-show, les JT et le financement public, prétendent maintenant réformer la constitution, la justice, se faire une énième loi électorale sur mesure et enfin voler aux travailleurs leur dernier droit: celui de s'adresser à un juge si leur employeur les vire sans motif. (...)"



23 janvier 2012

La boîte noire



"Quand il a débarqué à la gare de Metz avec son grand chapeau de cow-boy, ses Reebok blanches, son quintal à l'aise dans son vieux jogging gris, j'ai d'abord eu du mal à le reconnaître. Mais c'était bien lui. Joël Bucher, banquier d'Abu Dhabi, de Taipei, de Londres ou de Séoul. Il râle parce que le train a du retard et que le contrôleur l'a fait suer...Joël a un fichu caractère, mais c'est sans doute le banquier le plus passionnant que je connaisse. Enfin, l'ex-banquier. Désormais consultant en commerce international, il a quitté la banque, sa banque, la Société Générale, en 1995. Depuis il monte des opérations entre les pays arabes ou asiatiques et la France, et vit entre Taïwan, Dubaï et Bordeaux.
Joël est vraiment un dur à suivre, et au début j'ai eu du mal à le suivre. Je pensais que tout ce qu'il racontait - les palais dans le désert, les attaques par virus informatique, les mafieux chinois, les filatures policières, les comptes bancaires secrets des hommes et des femmes politiques, les voiliers de trente mètres de long à l'intérieur en bois, les astuces bancaires des trafiquants d'armes, les acrobaties bancaires de la société Thomson, les prête-noms en Suisse, les cinq milliards de dollars sur le compte de Monsieur Wang, la défenestration du fils d'un chef de la DGSE, l'empressement avec lequel les banquiers se servent en arnaquant les épargnants, les actionnaires et les lecteurs du magazine Investir, tout ça et bien d'aitres choses encore...- était un rêve éveillé, que Joël en rajoutait pour se faire mousser, qu'il n'avait pas pu vivre autant de vies, être présent à autant d'endroits, détenir autant de preuves de ce qu'il disait.

Aujourd'hui, je sais qu'il dit vrai."

Tout Clearstream, la boîte noire, Denis Robert, 2011.


2 janvier 2012

Bonne AAAnnée


Tiens on se la souhaite...on se les adresse. Bien gras, dégoulinants, suintants, poisseux, moites...Par ici la meringue et la chantilly...Non! Plutôt, secs, raides et droits comme des I! Prêts! Tendus! Phalliques!...résignés, un peu...mais dignes, au fond. S'écroulera? S'écroulera pas?...Bhâ, l'horizon est vertical ne le saviez-vous pas?...

Bientôt un homme canon (ou une femme) sortira de l'orifice cheminée, transpercera le plafond laiteux, l'insondable enveloppe qui nous enlace...multicolore et clownesque il/elle nous montrera...l'horizon vertical vers lequel, tous nous relèverons le crâne dans un craquement abominable de vertèbres enfin dénouées. Et c'est alors que la cheminée, frêle édifice, s'écroulera sur nos gueules ravies. 

Cette prophétie m'est venue alors que je pensais-seulement-à un verre de mirabelle. Belle année à tout(e)s.