L'excellent "Planète sans visa" signale un papier de la Stampa. Petite traduction maison, ici même.
"Schmidheiny, condamné à 16, ans de prison pour avoir fait des milliers de victimes, sera présent à Rio.
ALBERTO GAINO
"Nous nous tournons vers les Nations Unies, vers les autorités internationales, les chefs d'Etats et de gouvernements, vers le président du Brésil Dilma Rousseff, afin qu'ils déclarent Schmidheiny persona non grata à la conférence de Rio+20, organisée par l'ONU sur le développement durable qui se déroulera à Rio du 20 au 22 juin".
Cet appel de l'Abrea, l'association brésilienne des victimes de l'amiante (victimes aussi de l'Eternit locale, contrôlée jusqu'en 1998 par Schmidheiny) circule sur le net. En Italie la pétition a été signée par l'association des familles des victimes de Casale Monferrato et par de nombreuses autres, des syndicats, des scientifiques notamment par l'épidémiologiste Benedetto Terracini. Ils s'étonnent de devoir rappeler aux Nations Unies rien moins que "Schmidheiny fut condamné pour avoir causé une catastrophe écologique et que pour cela il devrait lui être interdit la participation à une réunion aussi importante que celle qui préparera et discutera de la protection du futur de la planète.
La singularité de la situation correspond à celle de la figure d'un soixantenaire, Stephan Schmidheiny, parfait dans le rôle d'un Janus des temps modernes. C'est ainsi qu'il est décrit par les auteurs de l'appel au secrétaire de l'ONU Ban Ki-Moon: "Schmidheiny est un des fondateurs du conseil mondial pour le développement durable. C'est aussi un bienfaiteur, le philanthrope qui a créé la Fondation Avina pour soutenir les projets environnementaux et sociaux en Amérique Latine."
Mais il est aussi l'ancien propriétaire d'Eternit, la multinationale productrice de fibro-ciment, qui, 13 février dernier, a été condamné par le tribunal de Turin (Italie) à 16 ans de prisons pour avoir provoqué- indiquent les membres de l'Abea pour bien souligner l'information apparue de manière floue sur wikipédia et internet - un désastre environnemental douloureux et permanent par omission aux règles de sécurité. Si des mesures avaient été prises, elles auraient permis de protéger la vie des travailleurs et de la population locale des risques de mort découlant de l'exposition à l'amiante. Ce minéral cancérigène, selon l'organisation mondiale de la santé, est responsable de pas moins de 107 000 morts par an.
Apparemment, ce personnage, que la revue américaine Forbes a définit comme le Bill Gates Suisse, a vécu une double vie. A 25 ans, il hérite d'une des deux poules aux oeufs d'or qui a immensément enrichit sa famille: l'Eternit. A son frère, Thomas, en revanche, reviendra le mastodonte du ciment, Holcim. Stephan fera dire aux hagiographes et aux avocats, qu'il aurait cherché à développer la petite production manufacturière d'Eternit grâce à d'importants investissements et à l'apport de nouvelles technologies, tout en minimisant les risques. Mais en 1972, quand le contrôle de l'actionnariat de la sociétés passe de mains belges aux siennes, il ne met absolument pas au rencard la "crocidolite" (l'amiante bleue, la plus dangereuse) qui dans les entreprises italiennes de Casale Monferrato et Bagnoli, continuera à être utilisée jusqu'à la fermeture des sites, 15 ans plus tard. En 1992, c'est l'année du retournement: en Italie on met finalement un terme à l'usage de l'amiante, et à Rio, pour le premier sommet de la terre consacré à l'environnement, Stephan Schmidheiny se présente comme le héros du développement durable.
Il rassemble alors des dizaines de grands industriels sur ses convictions et il est reconnu comme le producteur des montres Swatch et un des principaux associés du géant bancaire UBS. L'Eternit est un monde à part, "évaporé" ou presque, investi dans les projets de reforestation, de soutient aux cultures vivrières, à la philanthropie tiers moniste. Les brevets et multiples prix font de lui un gourou de l'environnement, il apparaît aux côtés de Clinton dans le rôle de conseiller, débarque au Vatican et à l'ONU pour soutenir l'économie verte. En Europe il serre les mains des puissants parmi lesquels le commissaire européen Romano Prodi.
C'est alors que lui tombe sur la tête la tuile du procès de Turin, attendu et craint à tel point, qu'il fera espionner le juge Raffaelle Guariniello et dépensera des millions dans sa stratégie de greenwashing. Fernanda Giannesi, petit et pourtant irréductible inspecteur du travail brésilien, le poursuivra sans relâche pour démontrer son habileté dans la dissimulation et la désinformation. A ce jour, Schmidheiny préfère verser une compensation aux victimes d'Eternit (en échange du retrait de leurs plaintes) plutôt que de devoir verser des dommages et intérêts fixés par la justice."
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