7 octobre 2015

DRH, option licenciement


"Aujourd'hui, on embauche des "bac+2" chargés de faire le sale boulot; notamment le sale boulot vis-à-vis des sous-traitants. On forme même, dans une université parisienne, de jeunes étudiants à un diplôme d'études supérieures, c'est à dire à un diplôme de praticien de niveau bac +5, dont le titre est : "DESS de DRH, option licenciement".
De sorte qu'une fraction de la population, notamment des jeunes, privés de transmission de la mémoire du passé par les anciens qui ont été écartés de l'entreprise, se trouve ainsi conduite à apporter son concours au "sale boulot", toujours au nom du réalisme économique, et de la conjoncture. Ils plaident tous, nolens volens, en faveur de la thèse de la causalité systémique et économique, à l'origine du malheur social actuel. Commettre l'injustice au quotidien contre les sous-traitants, menacer ceux qui travaillent de licenciement, assurer la gestion de la peur comme ingrédient de l'autorité, du pouvoir et de la fonction stratégique, apparaissent comme une banalité pour les jeunes embauchés qui ont été sélectionnés par l'entreprise. Le recrutement de jeunes diplômés, sélectionnés facilement sur des critères idéologiques qui ne se veulent pas tels parmi la masse des candidats en recherche d'emploi, l'absence de transmission de mémoire collective à cause du licenciement des anciens, et l'effacement des traces dont il a été question au chapitre consacré à la stratégie de la distorsion communicationnelle, forment un dispositif efficace pour éviter la discussion sur les pratiques managériales dans l’espace public."

Christophe Dejours, Souffrance en France, la banalisation de l'injustice sociale, Points, page 135.

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