12 avril 2020

Votre est compte est bon !


"En 1850, dans Les luttes de classes en France, Karl Marx commentait ainsi l'accession au trône de Louis-Philippe, vingt auparavant : "Après la révolution de Juillet, lorsque le banquier libéral Lafitte conduisit en triomphe son compère le duc d'Orléans à l'hôtel de ville, il laissa s'échapper ces mots : "Maintenant, le règne des banquiers va commencer." Lafitte venait de trahir le secret de la révolution". Ironiquement, en 2017, la banque d'affaires, expression pure du capital, sera représentée par elle-même."

Jérôme Sainte Marie, Bloc contre bloc, Paris, Le cerf , nov. 2019.

29 novembre 2019

Sur le siège de Stalingrad


Sortis de nulle part, aller on ne sait où
Attendre au hasard, embarquer leurs clous
Un spectacle éphémère, glaner quelques sous
Graminées imposés dans l'espace confiné
Vienne un souffle, ils auront décampés
Serait-ce des grains de liberté semés?

3 novembre 2019

Lutteur de classe



"Puissant, haut placé! Il faut appartenir à l'Empire! Je ne puis pas, je ne dois pas, je ne veux pas être protégé par les gens de l'Empire. Plutôt l'hôpital!

Il ne manque pas de pieds à lécher. Pour me payer de la lècherie, on me jetterait peut-être une situation. Je n'ai pas la langue à ça!
Par mon origine, je n'ai de racines que dans la terre des champs - point dans la race des heureux! Je suis le fils d'une paysanne qui a trop criée qu'elle avait gardé les vaches et d'un professeur qui a bien assez de chercher des protections pour lui-même!...Il a fait une petite classe, d'ailleurs, ce qui ne lui donne pas d'autorité et le prive de prestige.
Où ramasser les introductions, par ce temps de banqueroutisme triomphant, de républicains exilés?"

Le bachelier, Jules Vallès.



14 mars 2019

Gilets jaunes et cols blancs


"Là-dedans, la climatisation tempérait les humeurs. Bippers et téléphones éloignaient les comparses, réfrigéraient les liens. Des solidarités centenaires se dissolvaient dans le grand bain des forces concurrentielles. Partout, de nouveaux petits jobs ingrats, mal payés, de courbettes et d'acquiescement, se substituaient aux éreintements partagés d'autrefois. Les productions ne faisaient plus sens. On parlait de relationnel, de qualité de service, de stratégie de com, de satisfaction client. Tout était devenu petit, isolé, nébuleux, pédé dans l'âme. Patrick ne comprenait pas ce monde sans copains, ni cette discipline qui s'était étendue des gestes aux mots, des corps aux âmes. On n'attendait plus seulement de vous une disponibilité ponctuelle, une force de travail monnayable. Il fallait désormais y croire, répercuter partout un esprit, employer un vocabulaire estampillé, venu d'en haut, tournant à vide, et qui avait cet effet stupéfiant de rendre les résistances  illégales et vos intérêts indéfendables. Il fallait porter une casquette."

Nicolas Mathieu, Leurs enfants après eux, Paris, Actes Sud, 2018, p. 212 et 213.

13 janvier 2019

Leurs enfants après eux...


"Un siècle durant, les hauts-fourneaux d'Heillange avaient drainé tout ce que la région comptait d'existences, happant d'un même mouvement les êtres, les heures, les matières premières. D'un côté, des wagonnets apportaient le combustible et le minerai par voie ferrée. De l'autre, des lingots de métal repartaient par le rail, avant d’emprunter le cours des fleuves et des rivières pour de lents cheminements à travers l'Europe. 
Le corps insatiable de l'usine avait duré tant qu'il avait pu, à la croisée des chemins, alimenté par des routes et des fatigues, nourri par tout un réseau de conduites qui, une fois déposées et vendues au poids, avaient laissé dans la ville de cruelles saignées. Ces trouées fantomatiques ravivaient les mémoires, comme les ballast mangés d'herbes, les réclames qui pâlissaient sur les mir, ces panneaux indicateurs grêlés de plombs.
Anthony la connaissait bien cette histoire. On la lui avait racontée toute l'enfance. Sous le gueulard, la terre se muait en fonte à 1800° C, dans un déchaînement de chaleur qui occasionnait des morts et des fiertés. Elle avait sifflé, gémi et brûlé, leur usine, pendant six générations, même la nuit. Une interruption aurait coûté les yeux de la tête, il valait encore mieux arracher les hommes à leurs lits et à  leurs femmes. Et pour finir, il ne restait que ça, des silhouettes rousses, un mur d'enceinte, une grille fermée par un petit cadenas. L'an dernier, on y avait organisé un vernissage. Un candidat aux législative avait proposé d'en faire un parc à thème. Des mômes la détruisaient à coups de lance-pierre."

Nicolas Mathieu, Leurs enfants après eux, Paris, Actes Sud, 2018, p. 87.

23 décembre 2018

Pour une médaille, pour rien...


"Comme ce métier était plus dur qu'un métier de marchand, de bureaucrate...Il mettait en jeu la vie et la mort. Pourquoi les hommes meurent-ils donc? Antoine était assez fier de sa profession, de son habileté, de son honneur professionnel. Mais ces ouvriers qui mouraient? Il faut mourir au moins pour des fins qui en valent la peine, mais mourir parce que la voie n'était pas en bon état, parce qu'une éclisse avait sauté, mourir pour les actionnaires, pour ces hommes inconnus qui ne connaissent des lignes que des gares, des coupons, des wagons de première, des trains de luxe, pour des barons de Rothschild, pour de petits rentiers porteurs d'obligations, pour des combinaisons de négociants, de financiers? Il y avait une machine qui évaluait les vies à un certain tarif: et les actionnaires jugeaient que tout était bien et les obligataires trouvaient sans doute que c'était cher...
Quand on mourrait pas, on recevait, avant la retraite, une médaille de bronze, d'argent, une médaille frappée d'une locomotive, au bout d'un ruban tricolore, comme une médaille de sauvetage, on recevait une lettre: "En échange de vos bons et loyaux services..."
Mourir, vivre, pour une médaille, pour rien..."

Paul Nizan, Antoine Bloyé, Paris, Grasset, les cahiers rouges, page 142.

5 juin 2017

Révolution!


"C'est un mot piège.
C'est le nom que s'est donné la grande crise de la fin du dix-huitième siècle. Mais est-ce la crise que nous voulons ou bien ses résultats? La révolution a fait passer la France du gouvernement d'un roi débonnaire à la tyrannie d'un empereur guerrier."

L'art de trahir, Casamayor, Gallimard, Paris, 1972.


20 mai 2017

Il est l'or


"L'or? Pourquoi a-t-il tant de valeur, ou plutôt pourquoi lui en a-t-on tant donné? Car c'est un don que la croyance humaine a fait à ce métal moins utile que le fer, le bronze, l'aluminium ou le titane. C'est aussi un don que la croyance a fait à ce symbole, moins fécond que celui du travail, du progrès, de la connaissance, de l'amour. La rareté relative n'est pas la mesure du prix. C'est le pain qui est précieux à l'affamé, c'est l'eau qui est précieuse à celui qui meurt de soif, la ligature à celui qui perd son sang, la poignée de main à l'intouchable. Ils n'ont que faire de l'or."

L'art de trahir, Casamayor, Gallimard, Paris, 1972.

6 mai 2017

Le grand sur place


« Se vogliamo che tutto rimanga come è, bisogna che tutto cambi » susurrait Trancredi à son oncle, dans le Guépard. 

On imagine bien d'ailleurs la scène se tenir rue de Solférino,  entre le neveu politique, codicille du locataire du château, et ce dernier. Il fallait toutefois, pour que le plan soit complet, trouver un pantin, un leurre qui fasse office de papier attrape-mouche, destiné à entraver toute alternative véritable. Le gentil gendre idéal fût donc trouvé pour faire son petit numéro de caniche et vite disparaître à la niche. La recette sera complète, si, avec un peu de bol, on se retrouvait avec le repoussoir de service en finale. Bingo! Et bravo, car la carambouille est magistrale.

Quant à l'héritière parachutée, par-delà le concert de couineries des bien pensants, appelés avec régularité à ressortir leurs litanies, sitôt rangées dès qu'il s'agit de produire le carburant de son ascension,  il est évident qu'elle assume son statut de seul répulsif. Rien n'indique chez elle une quelconque sérieuse volonté de prendre les manettes,  houspiller le système pour mieux le conforter, voilà tout. Tout juste parvient-elle à mettre sous le tapis les gudars et assimilés, qui n'attendent eux, que le moment venu pour déclencher leur nuit des longs canifs...

Nous voici exactement rendus à ce point de "sur place". La sentence est pré-rédigée : 5  ans de sursis avec mise à l'épreuve.

8 avril 2017

Des magasins généraux à la réclame


Voilà. Les promoteurs et leur clique ont tout lifté sur les bords du canal de l'Ourcq. Enfin presque. Rassurons-nous. Mais pour ce qui est des magasins généraux de Pantin, ils ont été méchamment botoxés. D'ailleurs j'ai observé qu'on ne disait plus "magasins généraux" mais BETC, du nom de la boîte de pubeux qui a mis la main sur le paquebot. Le lifting s'étendrait donc jusqu'au nom du bazar. C'est le moment opportun pour sortir des archives les clichés des lieux que j'ai fait ces 10 dernières années. Allons-y, ça nous fera une petite série à nous mettre sous la dent.

7 mars 2017

Confiture douceâtre


"Ils se croyaient sages, ils se croyaient stables, ils se croyaient heureux. Ils étaient capables des plus fortes colères, des plus violents courages pour défendre contre tous les changements, toutes les forces la sagesse, la stabilité, le bonheur de leur petite vie exigeante. Ils pensaient avec une haine profonde aux révolutions, aux ouvriers qui les feront. C'étaient des hommes qui aimaient les gendarmes. Et Antoine vivait parmi eux, il était l'un d'eux; mois après mois, il s'enfonçait dans cette confiture douceâtre d'habitudes, il s'endormait, il ne pensait plus guère à ses échecs, à ses anciens rêves, à ses anciennes colères, peut-être se croyait-il comme ses voisins sages, stables et heureux."

Paul Nizan, Antoine Bloyé, Grasset, Paris.

21 février 2017

Notre Dame des Buttes


"- C'est vrai, c'qu'i dit, fit un homme sans remuer la tête dans sa gangue. Quand j'sui' été en permission, j'ai vu qu'j'avais oublié bien des choses de ma vie d'avant. Y a des lettres de moi que j'ai relues comme si c'était un livre que j'ouvrais. Et pourtant, malgré ça, j'ai oublié aussi ma souffrance de la guerre. On est des machines à oublier. Les hommes, c'est des choses qui pensent un peu, et qui, surtout, oublient. Voilà ce qu'on est. 
- Ni les autres, ni nous, alors! Tant de malheur est perdu!
Cette perspective vint s'ajouter à la déchéance de ces créatures comme la nouvelle d'un désastre plus grand, les abaisser encore sur leur grève de déluge.
- Ah! Si on se rappelait. S'écria l'un d'eux.
- Si on se rappelait, dit l'autre, y aurait plus d'guerre!
Un troisième ajouta magnifiquement:
- Oui, si on s'rappelait, la guerre serai moins inutile qu'elle ne l'est.
Mais tout d'un coup, un des survivants couchés se dressa à genoux, secoua ses bras boueux et d'où tombait la boue et, noir comme une grande chauve-souris engluée, il cria sourdement: 
- Il ne faut plus qu'il y ait de guerre après celle-ci!"

Henri Barbusse, Le feu, Flammarion, 1965.

3 février 2017

Rame sous tension


"Comment ne pas mentionner ce paradoxe qui a voulu que ce soit sous le gouvernement de la gauche qu'ont été revalorisée l'entreprise, le marché, le champ international, que ce soit durant cette même période que les salaires et le pouvoir d'achat ont baissé tandis que la bourse ne cessait de monter?" (Michel Rocard, Forum de l'Expansion, 3 octobre 1985) Le paradoxe ne consiste-t-il pas plutôt à donner un label de gauche à une œuvre qui, de l'aveu même des auteurs, n'a pour tout critère de comparaison que les échecs de la droite?"

La deuxième droite, JP Garnier et L Janover, Contre-feux Agone, Marseille, 2013. Première édition Robert Laffont, 1986.

2 février 2017

Choisy le plein


"L'Américain moyen consacre plus de mille six cents heures par an à sa voiture. Il y est assis, qu'elle soit en marche ou à l'arrêt; il la gare ou cherche à le faire; il travaille pour payer le premier versement comptant ou les traites mensuelles, l'essence, les péages, l'assurance, les impôts et les contraventions. De ses seize heures de veille chaque jour, il en donne quatre à sa voiture, qu'il l'utilise ou qu'il gagne les moyens de le faire. Ce chiffre ne comprend même pas le temps absorbé par des activités secondaires imposées par la circulation: le temps passé à l'hôpital, au tribunal ou au garage, le temps passé à étudier la publicité automobile ou à recueillir des conseils pour acheter la prochaine fois une meilleure bagnole. Presque partout on constate que le coût total des accidents de la route et celui des universités sont du même ordre et qu'ils croissent avec le produit social. Mais, plus révélatrice encore, est l'exigence de temps qui s'y ajoute. S'il exerce une activité professionnelle, l'Américain moyen dépense mille six cents heures chaque année pour parcourir dix mille kilomètres; cela représente à peine 6 kilomètres à l'heure. Dans un pays dépourvu d'industrie de la circulation, les gens atteignent la même vitesse, mais ils vont où ils veulent à pied, en y consacrant non plus 28 %, mais seulement 3 à 8 % du budget-temps social. Sur ce point, la différence entre les pays riches et les pays pauvres ne tient pas à ce que la majorité franchit plus de kilomètres en une heure de son existence, mais à ce que plus d'heures sont dévolues à consommer de fortes doses d'énergie conditionnées et inégalement réparties par l'industrie de la circulation" 

Ivan Illich, Énergie et équité, Paris, Seuil, 1973. 

24 janvier 2017

La pieuvre énergétique


"Une politique de basse consommation énergétique permet une grande variété de modes de vie de cultures. La technique moderne peut être économe en matière d'énergie, elle laisse la porte ouverte à différentes options politiques. Si, au contraire, une société se prononce pour une forte consommation d'énergie, alors elle sera obligatoirement dominée dans sa structure par la technocratie et, sous l'étiquette capitaliste ou socialiste, cela deviendra pareillement intolérable."

Ivan Illich, Énergie et équité, Paris, Seuil, 1973.

7 novembre 2016

Robbie, l'incorruptible


"Le 14 avril 1794, Robespierre va obtenir d'une convention grincheuse que l'on mette Jean-Jacques Rousseau au Panthéon. Il aurait bien voulu que l'on en fasse sortir Voltaire dont il pensait tout le mal qu’en pensait Marat, dans un admirable article du 6 avril 1791, paru dans l'Ami du Peuple. Le 7 floréal, an II, c'est-à-dire le 18 mai 94, Robespierre rédige un rapport qu'il faut lire de près. l'Histoire n'en parle pas assez; même dans le livre de Jean Massin qui est un excellent livre, ce qui est essentiel dans ce rapport n'est pas souligné. Robespierre, courageusement dit à ces gens de la Convention, qui sont presque tous des voltairiens, "je m'en vais vous expliquer ce que c'est, Voltaire, ce que c'est, l'esprit de l'Encyclopédie qu'avait essayé de maintenir parmi nous un homme comme Condorcet, le marquis de Condorcet, celui qui parlait des instruments méprisables de la Révolution." Il a soupesé Candide, le livre de Voltaire, il a vu ce que ça signifiait pour Voltaire, "cultiver son jardin": que les imbéciles se laissent écraser, mais que les adroits sachent se mettre du côté du marteau contre l'enclume. "Qu'est-ce que c'est que la philosophie de l'Encyclopédie, cette espèce de philosophie pratique qui réduisant l'égoïsme en système, considère la société comme une guerre de ruse, le succès comme la règle du juste et de l'injuste, le monde comme le patrimoine des fripons adroits?" Par conséquent ces gens-là n'ont rien à faire avec le véritable esprit révolutionnaire."

Henri Guillemin 1789-1792 1792-1794, les deux révolutions françaises, Paris Utovie.

2 novembre 2016

Bataillon de choc des riches


"La seconde chose que je voulais vous dire aussi, c'est ce que nous avons pris, je crois, une vue plus nette, plus exacte de ce que l'on appelle la Révolution française. Sous ces mots, Révolution française, il y a deux réalités successives et qui sont absolument opposées, deux réalités antithétiques. Il y a d'abord de 1789 au 10 août 1792, la prise de pouvoir par l'oligarchie financière. C'est ça, la première révolution, et en vérité ce n'est pas une révolution mais une réforme. La monarchie qui était absolue est maintenant une monarchie contrôlée. Contrôlée par qui? Par la bourgeoisie d'affaires. Et la date que les manuels ne soulignent jamais assez et on fait quelque fois exprès d'en parler à peine, c'est le 17 juillet 91: la bourgeoisie jette le masque et après s'être servie des pauvres comme levier pour abattre la monarchie absolue, elle leur tire dessus. Et ce sont des centaines de morts sur le Champ de Mars, grâce aux troupes de La Fayette, à cette Garde nationale constituée de notables qui tirent sur le peuple, en ce jour.
Seconde révolution, alors, pour de bon. A partir du 10 août 92. Cette fois, c'est le Quatrième État, ce sont les pauvres, les prolétaires, les ouvriers, les petits paysans qui sont dans le coup. C'en est fini de cette première partie où les bourgeois disaient: "l’État, c'est nous."Il s'agit maintenant de toute la France, je l'ai souvent répété. Mais quand on regarde les chiffres, on est surpris de voir combien les votants sont peu nombreux. Il faut se rendre compte de ce qu'était la France d'alors. Elles est composée, dans son immense majorité, de véritables bêtes de somme, depuis des centaines d'années, courbées sous le poids de ces possédants qui illustrent parfaitement l'idée de Voltaire selon lequel "le petit nombre doit être nourri par le plus grand nombre." Ces pauvres gens sont abrutis de misère; ils commencent à peine à ouvrir les yeux. Il ne faut donc pas s'étonner que ceux qui commencent à comprendre quelque chose à la politique, pour dire vite, se comptent par dizaine de milliers et pas par centaines de milliers. Néanmoins, à ce moment-là, c'est quelque chose d'important et de capital qui est en jeu. Alors, les possédants, ceux qui avaient fait la première partie de la Révolution, ceux qui avaient trouvé à leur service d'abord les Girondins - aile marchante du bataillon de choc des riches - puis des gens comme Danton, Cambon, Barère et Carnot, n'ont de cesse maintenant de voir se terminer cet intermède pour eux abominable, odieux, où il s'agit vraiment de la République."

Henri Guillemin, l789- 1792 1792-1794, Les deux révolutions françaises, Paris, Utovie.

5 octobre 2016

Elle est vilaine et voilà tout.


"Pauvre banlieue parisienne. Paillasson devant la ville où chacun s'essuie les pieds, crache un bon coup, passe, qui songe à elle? Personne. Abrutie d'usines, gavée d'épandage, dépecée, en loques, ce n'est plus qu'une terre sans âme, un camp de travail maudit, où le sourire est inutile, la peine perdue, terne la souffrance, Paris " le cœur de la France" quelle chanson! Quelle Publicité! La banlieue tout autour qui crève! Calvaire à plat permanent, de faim, de travail, et sous les bombes, qui s'en soucie? Personne bien sûr. Elle est vilaine et voilà tout."

Céline. Préface à "Bezons à travers les âges".

25 août 2016

L'art sur l'étain


Un petit morceau tombé du 20ème arrondissement, où ces blocs de deux étages aux façades de plâtre, teintent la ville des faux airs d'un village. Il s'agirait presque d'un trompe l’œil. Tout est calme...comme Pantruche au mois d'août, vidée de ses habitant, les artères se reposent. Puis la charge reprend, peu à peu, puis d'un coup. Le flot reprend, il semble plus hargneux, moins patient, comme s'il avait perdu sa lassitude résignée d'auparavant. L'impatience imprègne de ses hoquets et ses sursauts à la horde. Dans quelques jours tout sera rentré dans l'ordre, la digestion reprendra comme avant.

24 juin 2016

So Brexit...


Une petite vue de la campagne industrielle normande, seinomarine pour  la précision, la plus anglaise d'entre toute. 
Tiens à propos, la Grande Bretagne quitte l'Union Européenne. L'Union...hum. Ha parce qu'elle en faisait partie? Really? 
Trêve de balivernes, tout d'abord rien ne laisse supposer que la voix des urnes soit suivie par le pouvoir. Quand le peuple se plante on lui repose la question une nouvelle fois ou on ignore sa réponse. Nous en savons quelque chose, en France.
Pour le reste, une armée de pleurnichards vont nous faire le coup de la catastrophe et y aller à chaudes larmes sur le cadavre déjà froid de l'Union. Laissons ces types au bar du Titanic... 
S'il y a une chose dont on peut véritablement se réjouir, au-delà des mines déconfites des démocrates de salon qui ne savent pas comment expliquer au peuple qu'il a tort, c'est bien par le symbole de tout ceci. Oui il est possible de se barrer du machin. Et le plus vite sera le mieux, car réformer l'Europe est bien la dernière chimère à laquelle il faut s'accrocher.

8 juin 2016

Choisir le Roi



Nous voici rue de Paradis, dans le 10ème, à Pantruche et devant une ancienne faïencerie reconvertie en je ne sais quoi parfaitement inutile à mentionner ici.

Choisi le Roi! Choisir nos maîtres, voilà toutes les promesses tenues par la démocratie bourgeoise. Parce qu'au stade où nous en sommes rendus, il convient d'avoir à l'esprit que les actuels préparent scrupuleusement le terrain pour les suivants et ainsi de suite. Le reste n'est que bavardages inutiles et lassants. Il faudra s'en souvenir quand ils tenteront de nous refaire le coup de crier au loup et rester bien calme. Vous serez calmes?...

7 mai 2016

Technocratia


 Seine Maritime (76) avril 2005.

"Même si on découvrait une source d'énergie propre et abondante, la consommation massive d'énergie aurait toujours sur le corps social le même effet que l'intoxication par une drogue physiquement inoffensive, mais psychiquement asservissante. Un peuple peut choisir entre la méthadone et une désintoxication volontaire dans la solitude, entre le maintien de l'intoxication et une victoire douloureuse sur le manque, mais nulle société ne peut s'appuyer là-dessus pour que ses membres sachent en même temps agir de façon autonome et dépendre d'une consommation énergétique toujours en hausse. A mon avis, dès que le rapport entre force mécanique et énergie métabolique dépasse un seuil fixe déterminable, le règne de la technocratie s'instaure."

Ivan Illich, Énergie et équité, Le Seuil, 1973.

24 avril 2016

Debout la nuit, couché le jour


La ville du Tréport (76), avril 2005. Un silo se fait abattre joyeusement la trogne à coup de boulets.

Les cahiers de doléances et les états généraux devaient bien faire marrer aussi en leurs temps. Jusqu'au moment où, plus du tout.

Bon, bien entendu tout cela fait un peu flower power et improvisation gentillette. D'un autre côté, au moindre coup de peinture sur un distributeur automatique et la meute canipède de garde se rue sur le renard, dénonçant les seules violences qu'ils veulent bien voir. Les autres, doivent soigneusement être tues. Ensuite, on s'amuse à envoyer le philosophe réactionnaire de service - l'autre devait être occupé sur un théâtre, disons d'opération - de quoi mesurer la profondeur de l'ornière dans laquelle Libération a chu.

Tout cela rendrait furieusement sympathique ces assemblées dérivantes et ses tentatives balbutiantes de retour à ce que fût la démocratie athénienne.

11 avril 2016

Gambetta annonce complet


Nous sommes dans la ville d'Ivry, sur la place du même nom (en 2005). Autour, un capharnaüm de petites maisons, d'ateliers d'artisans, témoins d'un passé industriel grignoté jour après jour. La masse de l'hôtel Gambetta, bien nommé, barre l'horizon, prêt au combat contre les prussiens. L'imbécile, va-t-en guerre, ne voyait pas qu'ils étaient, au portes de Paris, les meilleurs remparts contre les partageux de la commune.
Et aujourd'hui alors? Où sont nos prussiens d'hier, nos versaillais travestis en républicains et nos communards? S'il y a bien une des trois catégorie qui ressemble le plus aux spectres du passé, ce sont nos versaillais d'aujourd'hui. Ils sont pas beaux nos socialos, condamnant les violences des pots de peinture et des jets de patchouli de la place de la république. Laquelle au juste? Celle de Thiers à n'en pas douter, appeler république un tel régime quand le petit peuple se laisse abuser par des mots, c'est encore la meilleure assurance vie pour la rente. Ils déclinent la recette, s'appeler socialiste, quand on fait les poches des salariés pour reverser au capital, en voilà une autre de garantie sans risque. Alors qu'on ne s'étonne plus que le populo veuille prendre la place de la République, justement. Bien mignons encore.

26 mars 2016

Loi, travail, retrait des deux!


J'emprunte le titre aux lycéens et étudiants qui battent le pavé, vaillants et alertes, mais qui s'en prennent plein la trogne par les milices ripoublicaines. Voir encore cette semaine dans le 19ème dans les parages du lycée Bergson. 

Bon sinon c'est un cliché qui remonte au CPE (2006), et ça chauffait pas mal à l'époque du côté de (Sèvres) Babylone. Que dire au fond, de plus que ne le montre cette image? 

Peut être seulement une évidence pour qui ne pense pas le monde en catégories publicitaires, à savoir que ce gouvernement  est bien plus dangereux pour le droit du travail que n'importe quel autre étiqueté par le marketing politique sous les termes trompeurs "d'opposition". Il faut dire qu'ils ont un angle de tir idéal, un fond d'état d'urgence, une opposition syndicale neurasthénique, un insider de la finance pour faire monter les enchères en poste à Bercy etc. Terrain de jeu parfait pour nous faire remonter le temps social.

Pour le reste, et bien la triangulaire de cette photo nous donne les ingrédients, le peuple au premier plan, la finance (représentée par l'agence HSBC) en deuxième et en troisième plan l'Etat policier.

9 février 2016

Derrière les battants


Paris en est truffée, de ces petites ruelles privées...
Il faut savoir les débusquer.
Une porte dont le groom est devenu feignant et c'est le moment.
Alors d'un pas rapide, point trop à peine d'éveiller l'attention, retenir le battant.
Un havre verdoyant tranche net la rue et son boucan.
Là, se faire furtif, la bignole reconnait les pas de chaque résidant.
Saisir sur le vif et calter sans attendre.

7 février 2016

Le jardin de Riquet


"Le dimanche de Pâques, Bruno se levait et partait à pied avec son grand-père, passant d'un champ de patates à un carré de luzernes, suivant un chemin creux, poussant la porte d'une haie dense, qui ouvrait sur un nouveau petit pays. Le but du voyage était de rapporter dans la casquette  des œufs de merle ou de grive, pour préparer à la maison la grande omelette du jour de fête. Bruno: "Il y avait des nids partout, à la profusion. Chaque parcelle abritait sa compagnie de perdrix grises." Et, question oiseaux, je répète qu'il sait de quoi il parle. Ainsi disparut la Bretagne. Selon les estimations de Jean-Clause Lefeuvre, un universitaire de réputation mondiale, 280 000 kilomètres de haies et de talus boisés auraient été arasés dans cette région entre 1950 et 1985. 280 000 kilomètres! Soit 7 fois le tour de la Terre. Pour la seule Bretagne. (...)
En 2009, l'imagination bureaucratique au pouvoir décide de fusionner le corps des Igref avec celui des ponts et Chaussées, ce qui donnera une énorme boursouflure techno appelée corps des ingéneiurs des ponts, des eaux et des forêts (IPEF). 
Les ingénieurs des Ponts sont une caste voisine, née en 1716, entièrement vouée à la révolution industrielle. Les IPEF - un peu plus de 1500 en 2009, année de la fusion - ont démembré la France comme bien peu. On leur doit canaux et rivières "rectifiés", équipements touristiques et barrages, routes et autoroutes, ports et aéroports, châteaux d'eau et ronds-points, et même un peu de nucléaire sur les bords. Inutile de dire que l'alliance des Igref et des Ponts nous prépare de nouvelles surprises, dont les nanotechnologies ne sont que l'un des nombreux hors-d’œuvre."

Fabrice Nicolino, Lettre à paysan sur le vaste merdier qu'est devenue l'agriculture, Les Echappés, 2015.

13 janvier 2016

La succursale du planteur


L'affaire se passe rue des petits carreaux à Paris (2°). Une devanture classée, intouchable sans autorisation administrative, surplombe celles de magasins ordinaires, et rappelle une époque où l'on ne s'emmerdait pas de précautions. La conférence de Berlin (1884) n'est pas loin et le monopoly colonial a vu la France des droits de l'homme se tailler une belle part, trop peut être pour le voisinage qui aurait bien vu quelques miettes lui arriver. Mais c'est une autre histoire....
Ernest Renan nous refile une recette (Qu'est-ce qu'une nation? 1882): « l'oubli, et je dirai même l'erreur historique, sont un facteur essentiel de la création d'une nation, et c'est ainsi que le progrès des études historiques est souvent pour la nationalité un danger ». Pas con, il suffirait de sortir l'effaceur et paf, tout le monde se retrouve derrière un drapeau sans trop se poser de questions. Enfin, si le truc fonctionne du tonnerre pour les supporters de foot, c'est moins évident une fois sorti du stade. Au reste, Renan se vautre ou nous ballade carrément en mettant sur le même plan l'oubli et l'erreur historique. 
L'erreur historique ça sent la manipulation, les coupes sombres dans les programmes, l'enfumage généralisé, le soma à l’œil pour tout le monde. De l'histoire façon 1984 quoi. Oublier c'est pas la même. Pour oublier il faut avoir su, et même remué un peu la merde, s'être aussi un peu foutu sur la gueule. Une fois les choses bien dites, le temps abrase tout le merdier, et il est alors temps d'oublier. Seulement, si les choses ne sont pas faites dans l'ordre, alors le diamant saute inlassablement dans le même sillon et le refrain bégaie. Or il est temps de changer le disque, car au fond, à bien y regarder, si le style a changé, la logique demeure la même.

9 janvier 2016

2016


Du côté d'Ivry Sur Seine, de mémoire, cet immeuble biscornu m'apparût, au détour d'une rue anonyme dont j'ai oublié le nom. Il me semble tout à fait adéquat pour vous résumer la salve de vœux que je vous adresse, visiteurs de Fricheries, soit un monticule de choses disparates dont ma foi vous ferez bien ce que vous voudrez et pourrez. Car oui, malgré son air de tas de légos oublié dans un coin, il tient debout et c'est déjà pas mal. Et il en faut des étais pour encaisser cette époque de pacotille ou l'insipide concurrence le grotesque. Fluctuat mes amis!

16 novembre 2015

Ambiances parisiennes


Une photo d'avant la folle embardée du 13, car samedi fallait les voir les gueules de bois. 
Samedi donc. 
Bravache, sortir fumer un clope en terrasse, une lampée de Calva dans le rade de garde qui n'avait pas baissé pavillon, où l'on retrouve des trognes connues. Vannes acides un peu jaunes, mais envie de retrouver le pavé, celui qu'on foule tous les jours et qu'on ne saurait laisser aux vents mauvais. L'esprit est là, mais presque en suspend. En attente de quelque chose...une réaction qui viendra, viendra pas? D'en haut? Que foutre! Ils nous y ont collé, ils ne nous en sortirons pas. L'inverse, voire!
Une chose est sûre on était mieux là à philosopher entre pochtrons qu'à écouter les conneries à la télé.
Dimanche. 
Tiens, tout est fermé. Pas de marché, pfuit! Dispersés. Les parcs? Grilles baissées. Ambiance ouateuse de bus 60 étrangement désert. Politesses appuyées un peu suspectes pour ces carapaces de parigots d'ordinaire bourrues. Comme s'il fallait faire ce petit rien d'humanité dont on se passe si souvent, pour réparer autre chose de brisé. Alors chacun y met du sien, avant que quelque chose ne viennent souffler la petite braise...
Et pourtant il faisait beau et doux, nous dit-on, pour un mois de novembre. Ça aussi c'est suspect. 
Dimanche, toujours.
Pris un tour de plus au compteur.  Puis s'aperçoit, alors que des bribes de nouvelles viennent à moi sans que j'aille les chercher, que c'est presque du bol, d'être arrivé jusque là. Les zombislamos avaient parqué leur tire à 50 mètre du rade où je tisais du vieux rock à houblon vendredi soir. Va savoir....Moi qui en plus ne sort plus guère, c’eût été con.

16 octobre 2015

Un arrangement avec le mensonge


"Cela étant, on ne peut pas comprendre le processus de banalisation du mal uniquement à partir de l'analyse des conduites de ceux qui donnent nolens volens, leur adhésion au système. Il faut aussi considérer l'impact de ceux qui n'adhèrent pas au système sur le processus lui-même. On peut distinguer ici deux catégories: ceux qui ignorent, authentiquement, la réalité à laquelle, pour une raison spécifique, ils n'ont pas accès. Ceux-ci consentent mais sans le savoir. Ce sont des innocents, leur responsabilité n'est pas engagée, mais, de fait, leur conduite est en définitive la même que celle qu'utilise intentionnellement la stratégie défensive de la normopathie en secteur, qui n'est nullement de l'ignorance mais un arrangement avec le mensonge. La deuxième catégorie est représentée par les opposants, les résistants au système. On sait comment, dans les systèmes totalitaires est traité le cas des opposants: exil, exécution, ou camp de concentration. Mais ce n'est assurément pas le cas dans la société néolibérale. L'utilisation de la terreur et de l'assassinat est évidemment ce qui distingue le totalitarisme du système néolibéral. Dans ce dernier, toutes sortes de moyens d'intimidation sont utilisés pour obtenir la peur, mais pas par la violence contre le corps. Il semble que les opposants soient, dans le cas du néolibéralisme, essentiellement confrontés à inefficacité de leur protestation et de leur action. Non pas tant parce qu'ils sont minoritaires, mais en raison de la cohérence qui soude le reste de la population à la banalisation du mal."

Christophe Dejours, Souffrance en France, la banalisation de l'injustice sociale, Points, page 183.

8 octobre 2015

Work hard play hard®


"L'erreur d'analyse des organisations politico-syndicales sur l'évolution des mentalités et des préoccupations émergentes vis-à-vis de la souffrance dans le travail a laissé le champs libre aux innovations managériales et économiques. Ceux qui spéculaient, qui accordaient des largesses fiscales sans précédent aux revenus financiers, qui favorisaient les revenus du patrimoine au détriment des revenus du travail, qui organisaient une redistribution inégalitaire des richesses (qui se sont considérablement accrues dans le pays en même temps qu'apparaissait une nouvelle pauvreté), ceux-là mêmes qui généraient le malheur social, la souffrance et l'injustice, étaient dans le même temps les seuls à se préoccuper de forger de nouvelles utopies sociales. Ces nouvelles utopies, inspirées par les Etats-Unis et le Japon, soutenaient que la promesse de bonheur n'était plus dans la culture, dans l'école, ou dans la politique, mais dans l'avenir des entreprises. Les "cultures d'entreprises" ont alors foisonné, avec de nouvelles méthodes de recrutement et de nouvelles formes de gestion, notamment de direction des "ressources humaines". En même temps que l'entreprise était la base du départ de la souffrance et de l'injustice (plans de licenciement, "plans sociaux"), elle devenait championne de la promesse du bonheur, d'identité et de réalisation pour ceux qui sauraient s'y adapter et apporter une contribution substantielle à son succès et à son "excellence". 

Christophe Dejours, Souffrance en France, la banalisation de l'injustice sociale, Points, page 51.

7 octobre 2015

DRH, option licenciement


"Aujourd'hui, on embauche des "bac+2" chargés de faire le sale boulot; notamment le sale boulot vis-à-vis des sous-traitants. On forme même, dans une université parisienne, de jeunes étudiants à un diplôme d'études supérieures, c'est à dire à un diplôme de praticien de niveau bac +5, dont le titre est : "DESS de DRH, option licenciement".
De sorte qu'une fraction de la population, notamment des jeunes, privés de transmission de la mémoire du passé par les anciens qui ont été écartés de l'entreprise, se trouve ainsi conduite à apporter son concours au "sale boulot", toujours au nom du réalisme économique, et de la conjoncture. Ils plaident tous, nolens volens, en faveur de la thèse de la causalité systémique et économique, à l'origine du malheur social actuel. Commettre l'injustice au quotidien contre les sous-traitants, menacer ceux qui travaillent de licenciement, assurer la gestion de la peur comme ingrédient de l'autorité, du pouvoir et de la fonction stratégique, apparaissent comme une banalité pour les jeunes embauchés qui ont été sélectionnés par l'entreprise. Le recrutement de jeunes diplômés, sélectionnés facilement sur des critères idéologiques qui ne se veulent pas tels parmi la masse des candidats en recherche d'emploi, l'absence de transmission de mémoire collective à cause du licenciement des anciens, et l'effacement des traces dont il a été question au chapitre consacré à la stratégie de la distorsion communicationnelle, forment un dispositif efficace pour éviter la discussion sur les pratiques managériales dans l’espace public."

Christophe Dejours, Souffrance en France, la banalisation de l'injustice sociale, Points, page 135.

8 août 2015

La tour du Maroc - Paris 19


Voici un cliché d'une disparue, la tour du Maroc, sise dans la rue du même nom, Paris 19ème. Peu à peu vidée de ses habitants, elle fût démolie et remplacée par...une autre. Je vous laisse découvrir le nouvel engin ici.


3 août 2015

La liberté est là, sur le bord de la route...


"Capitalistes, fascistes, marxistes, tous ces gens-là se ressemblent. Les uns nient la liberté, les autres font encore semblant d'y croire, mais, qu'ils y croient ou n'y croient pas, cela n'a malheureusement plus beaucoup d'importance, puisqu'ils ne savent plus s'en servir. Hélas! le monde risque de perdre la liberté, de la perdre irréparablement, faute d'avoir gardé l'habitude de s'en servir...Je voudrais avoir un moment le contrôle de tous les postes de radio de la planète pour dire aux hommes: "Attention! Prenez garde! La liberté est là, sur le bord de la route, mais vous passez devant elle sans tourner la tête; personne ne reconnaît l'instrument sacré, les grandes orgues, tour à tour furieuses ou tendres. On vous fait croire qu'elles sont hors d'usage. Ne croyez pas! Si vous frôliez seulement du bout des doigts le clavier magique, la voix sublime remplirait de nouveau la terre...Ah n'attendez pas trop longtemps, ne laissez pas trop longtemps la machine merveilleuse exposée au vent, à la pluie, à la risée des passants! Mais, surtout, ne la confiez pas aux mécaniciens, aux techniciens, aux accordeurs qui vous assurent qu'elle a besoin d'une mise au point, qu'il faut la démonter. Ils la démonteront jusqu'à la dernière pièce et ils ne la remonteront jamais!"

La France contre les robots, 1946, Georges Bernanos. 


17 juillet 2015

Le train en marche


"Oh! mon Dieu, les faits les plus simples nous échappent toujours, passent au travers de notre attention, comme au travers d'un crible; ils n'éveillent rien en nous. Si j'écris que, en un très petit nombre d'années, en une ridicule fraction de temps, le rythme de la vie s'est accéléré d'une manière prodigieuse, on me répondra que ce n'est là qu'un lieu commun, que le fait n'échappe à personne. Il n'en a pas moins échappé à ceux qui en furent les premiers témoins. La société où ils étaient entrés le jour de leur naissance a passé presque sans transition de la vitesse d'une paisible diligence à celle d'un rapide, et lorsqu'ils ont regardé par la portière, il était trop tard: on ne saute pas d'un train lancé à 120 kms sur une ligne droite".

La France contre les robots, 1946, Georges Bernanos.

20 juin 2015

Recette urbaine


 Parés pour le mixage?
D'abord travailler au fouet
Poursuite d'un mirage?
Afin que les caillots ne demeurent 
Au fond du brouet
Doser finement
Les ingrédients
Ne pas oublier le sachet
De levure sociale
Au final, l'unique expédient.



15 juin 2015

Au gré du goudron


A travers le trou du plancher
Défile l'asphalte de la vie.
Il n'est pas prévu ce poste d'observation
Et pourtant il m'épie.
Je pourrais presque le toucher
Au moyen d'une contusion
Le regarder filer
Le sourire en biais.
 


14 mai 2015

Holométaboles


La chrysalide en haillon
Achève sa mue mortifère
Rétive aux bataillons
Elle se découvre amère
Momie sans pharaon.







10 mai 2015

Limailles


Caresser l'écorce
A en faire tomber la limaille
Vieille tactique de canaille
Dont on achève de mesurer la force
Une fois l'armature à nu
Ne reste alors que lianes de fer
Pour seuls ligaments de vertu
A ruminer en enfer.


2 mai 2015

Recto-verso


 Recto-verso
les deux faces de la médaille
 deux farces sur la même faille
Se répondent dans le vide
Comme deux pantins morbides
La multitude attend
pianotante et divisée
qu'une direction lui soit donnée
Ignorante de ce que
 l'horloge naturelle
A déjà tout prévu pour elle.